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Explorations des pyramides de Gizeh


Le plateau de Gizeh est d'un grand intérêt scientifique de par la présence des fameuses trois grandes pyramides d'Egypte, dont les deux plus grandes de toute la civilisation égyptienne antique, celle de Khéops et celle de Khéphren. L'une des curiosités les plus intéressantes consiste à découvrir comment les égyptiens anciens purent les construire, alors qu'ils n'avaient, à l'époque, quasiment aucune des technologies dont vous disposons de nos jours. Mais tout aussi intéressant est de comprendre les différentes explorations dont elles ont fait l'objet, et pas uniquement celles du plateau de Gizeh.

La Grande pyramide de Gizeh fut longtemps le point central de toutes les explorations en Egypte. Non pas que les autres sites n'étaient pas intéressants, mais c'est celle-ci qui fut la plus explorées, probablement parce qu'il s'agissait de la plus grande des pyramides du pays.

La question qui se pose alors est de savoir à partir de quand les premiers explorateurs ont-ils tentés de percer les secrets des pyramides, et quels étaient leurs buts ?


De l'antiquité au XVe siècle : Le pillage

C'est une évidence, mais les premiers à avoir tenté de percer les secrets des pyramides d'Egypte ne l'on pas fait dans un but d'exploration scientifique mais de pillage.


Les pillages de l'antiquité

Ils imaginaient, avec raison, que les pyramides contenaient des richesses et voulaient se les accaparer, c'était avant tout des pilleurs de tombes qui furent les premiers à entrer dans ces monuments. Les tout premiers le firent dès la première période intermédiaire, c'est à dire au XXe siècle avant JC. Cette période très courte de l'histoire de la civilisation égyptienne (19 ans à peine) marque la fin de l'ancien empire et le début de la dislocation de l'autorité royale. Sans administration, sans pouvoir autoritaire et centralisé, les Egyptiens furent soumis à la tentation d'entrer dans les pyramides pour récupérer ce qu'elles contenaient. On imagine l'audace dont ils devaient faire preuve pour y aller, sachant l'importance accordé par leurs ancêtres (pas si éloignés) à ces tombeaux royaux.

Nous n'avons pas de preuves formelles, mais il semble évident que les pyramides furent pillées à plusieurs reprises durant l'antiquité, surtout pendant ces périodes intermédiaires (il y en eut 3).

Par la suite le temps a fait son oeuvre, les pyramides accusèrent leurs âges, elles s'abîmèrent. Le sable commença à recouvrir leurs abords et les entrées des pyramides devinrent inaccessibles. Les Egyptiens eux-mêmes oublièrent où elles se trouvaient et commença les époques Saïtes, puis arabes de l'histoire de l'Egypte. Nous sommes alors au IXe siècle

C'est là qu'arrive le calife Abdoullah Ma'moun.


Le calife Abdoullah Ma'moun

C'est exactement en 820 que le calife Abdoullah Ma'moun tente d'entrer dans la grande pyramide de Khéops, persuadé d'y trouver de grandes richesses. Il sait, à ce moment, que l'entrée de la pyramide est sur la face Nord, mais il ignore où, exactement. Alors il perce une autre entrée (qui s'avèrera plus large que l'entrée normale), un peu plus près du sol. Cette nouvelle galerie aboutira à la grande galerie de la pyramide, qu'il put explorer à loisir... mais sans trouver aucun trésor, bien sûr.

Lorsque le calife Al-Ma'moun vint en Egypte il donna l'ordre d'ouvrir la Grande Pyramide. Après des peines inouïes et une fatigue considérable, on arriva dans l'intérieur de la pyramide que l'on trouva tout semé de puits et de rampes ardues. Le passage était périlleux. Enfin, au bout, se trouvait une chambre cubique d'environ 8 coudées de côté. Au milieu de la chambre était une cuve de marbre fermée d'un couvercle qui fut enlevé et l'on ne trouva dans la cuve qu'un cadavre corrompu par suite de la longueur des siècles. Al' Ma'moun prescrivit alors de ne plus ouvrir d'autre pyramide, la dépense faite pour l'ouverture de cette brèche ayant été, à ce que l'on assure, extraordinairement considérable.

Ier siècle : Les explorateurs grecs

A noter quelques exceptions dans le liste des pilleurs de pyramides antiques : Nous avons des témoignages de grecs anciens qui firent des déplacements en Egypte et décrivirent les pyramides avec, souvent, peu de précision, mais leurs témoignages est souvent intéressants. Nous avons par exemple Strabon et Hérodote, qui ont fait de tels récits.

L'exploration de Strabon est l'un des tout premiers textes qui nous soit parvenu, il date d'un peu après la naissance du Christ. Vers l'an 30 le géographe Strabon écrivit dans son ouvrage "Géographie" :

La Grande pyramide possède à quelque hauteur sur une de ses faces une pierre qui peut être retirée et qui, une fois soulevée, donne accès à une galerie en pente jusqu'aux fondations.

Cette galerie existe effectivement, mais elle fut longtemps masquée. Très étroite, son entrée se trouve à 15 m environ au-dessus du sol. C'était l'entrée originelle de la pyramide.


Du XVe à 1940 : La compréhension

A partir du XVe siècle on voit apparaître une conscience scientifique dans les communautés européennes. La visite des pyramides d'Egypte n'est plus faite dans un but de pillage mais plus dans la recherche de connaissances. Elle correspond à l'arrivée de la Renaissance en Europe, une période qui va faire la part belle aux découvertes. Il faut savoir que le contexte historique était favorable, l'Amérique allait être découverte, les grandes explorations du Monde vont être lancées, et la curiosité scientifique commence à passer outre les interdits religieux. Nous entrons dans une nouvelle ère, et les pyramides d'Egypte vont être un but de découverte plus que de pillage.


XVe siècle : Breydenbach

On retrouve un premier nom dès le XVe siècle, celui de l'allemand Breydenbach, qui visita les pyramides en 1486 et en fit un récit. Il eut des successeurs mais les premières vraies explorations arrivèrent avec l'anglais John Greaves, mathématicien de profession. Cet explorateur parvint à entrer dans la grande pyramide de Gizeh mais ne put accéder aux chambres souterraines dont il ignorait la présence. On lui doit la découverte du "puits des voleurs", au pied de la grande galerie qu'il traduisit en texte dans un livre publié en 1646, "Pyramidographia"..


1765 : Nathaniel Davidson

En 1765 un voyageur anglais nommé Davison découvre une petite chambre au-dessus de la chambre du Roi, en creusant un rameau à partir du plafond de la grande galerie. Il s'agit de l'une des chambres de décharge, qu'il est le premier à mettre au jour. Les autres chambres de décharges furent découvertes bien plus tard par les scientifiques de l'expédition napoléonienne.


Début XIXe : Les scientifiques de Napoléon

L'histoire de l'Egypte nous apprend que l'empereur Napoléon fit une expédition militaire en Egypte au début du XIXe siècle. Mais pour une fois dans l'histoire militaire mondiale, l'empereur ammena avec lui de nombreux scientifiques dont le but était de relever le maximum d'informations sur cette civilisation antique oubliée. C'était la première fois qu'une vraie démarche scientifique fut entreprise pour explorer les pyramides d'Egypte.

Alors il faut bien l'admettre, parfois les méthodes utilisées furent... intrusive. Ainsi l'une des trois pyramides annexes du complexe funéaire de Mykérinos fut démontée pour comprendre comment elle avait été construite... heureusement que la compagne militaire fut un fiasco, les scientifiques ne purent pas terminer leur travail et cette pyramide est toujours là, de nos jours, sinon, elle n'existerait tout simplement plus ! Une grande partie des découvertes faites par Napoléon ont été consignée dans un livre, "Description de l'Egypte". Cet ouvrage est devenu rapidement une référence en la matière.

De cette époque on retient les nombreux carnets de dessins remplis par les dessinateurs de Napoléon, ainsi que les cartes réalisées par les cartographes. La mode de l'Egypte ancienne se développa en France, le début du XIXe siècle fut la période de "l'Egyptomania". Chaque personne un peu haut-placée voulait son petit cabinet de curiosités à base de reliques égyptiennes. La mode était à la découverte de ces curieuses statues, aux papyrus, le tout étant, bien sûr, très mal conservés, ce qui fait qu'un grand nombre de ces pièces ont disparu de nos jours, hélas.

La campagne napoléonienne eut pour résultat de donner confiance aux européens pour aller explorer l'Egypte, et c'est à partir de là que commença vraiment leurs explorations scientifiques.


1816 : Giovanni Battista Caviglia

Giovanni Battista Caviglia était italien, comme son nom l'indique. Il fut l'une des explorateurs du XIXe siècle de la grande pyramide de Khéops, dans laquelle il entra en 1816. Il put dégager le puits des voleurs et fut le premier à entrer dans la chambre souterraine.


1818 : Giovanni Belzoni

Belzoni était lui aussi italien. Il est connu pour avoir exploré en 1818 la pyramide de Khéphren dont il atteint les deux chambres souterraines. Il put le faire grace à l'intervention de Caviglia qui, deux ans plus tôt, avait travaillé sur cette pyramide et en avait trouvé les deux entrées. Son travail n'était donc qu'une suite de celui de son confrère, mais ça n'enlève toutefois rien à l'exploit.

Belzoni eut une mauvaise surprise en entrant dans la chambre funéraire puisqu'il y trouva des inscriptions arabes dont les traductions furent "Mohamed Ahmed l'ouvrit" et "le roi Ali Mahomet était présent", ce qui lui prouva qu'il n'était pas le premier à explorer ces chambres funéraires...


1835 : Le Colonel Richard W.H. Vyse

70 ans après Davidson et 20 ans après Caviglia, soit en 1835, le colonel Vyse ouvrit une brèche vers le haut à partir du rameau de Davidson, il découvre alors les 4 autres chambres de décharge. Pour forcer les ouvertures il n'hésite pas à utiliser de la poudre à canon, ce qui endommage évidemment l'intérieur de la pyramide. C'est Vyse aussi qui découvre et débouche les deux conduits qui partent de la chambre du Roi et se poursuivent jusqu'à l'extérieur. Ces deux ouvertures, que l'on croyait être des bouches d'aération, seraient en fait liées à des considérations cosmiques.

Le colonel Wyse rédigea dans des livres le résultat de ses recherches. Ces livres font partie, de nos jours encore, des ouvrages de référence sur l'Egypte des pyramides.


1872 : Exploration de W. Dixon

Waynman Dixon était un anglais engagé par un certain Piazzi Smyth pour étudier la grande pyramide de Khéops.

En 1872 W. Dixon découvre dans la chambre de la Reine le point de départ de deux conduits internes à la pyramide, les fameux conduits stellaires, dont une première exploration ne sera faite qu'à partir de 1993 par R. Gantenbrink.


1880 : Cartographie de Petrie

William Matthew Flinders Petrie est de nos jours considéré comme l'un des pères de l'archéologie moderne. Il fut appelé à travailler sur le plateau de Gizeh pour mesurer avec précision tous les édifices qui s'y trouvaient, et établir une cartographie du plateau.

Il fut pionnier dans bien des domaines : Utilisation de la photographie, des rayons X à des fins archéologiques, premier professeur d'égyptologie britannique, etc.


1902 à 1903 : James E. Quibell

James E. Quibell est un archéologue anglais embauché par Lorenzo Cow Covington pour effectuer des fouilles sur le cimetière Ouest. Ces fouilles portèrent essentiellement sur la colline des mastabas, à 1,5Kms au Sud des pyramides. Le résultat fut la découverte de 39 tombes dont certaines remontaient aux IIe et IIIe dynasties. Ces fouilles venaient reprendre celles entreprises pas Montague Ballard à la fin du XIXe siècle sur ce même site, mais le manque de professionnalisme de ce dernier a fait qu'aucune découverte majeure n'en est ressortie. Pire encore, Ballard, ne connaissant pas les méthodes d'archéologie moderne, abîma certains sites en les étudiant. D'ailleurs, il n'a jamais publié quoi que ce soit, prouvant son amateurisme.

James Quibell refit donc ces fouilles, mais de façon plus professionnelle. Il travailla en outre sur la grande pyramide dont il dégagea les conduits stellaires.


1903 : Découpage en concessions

Au début du XXe siècle un problème se posa : Il y avait tellement de demandes d'études des monuments qu'il fallut s'organiser pour partager le travail qui ne manquait pourtant pas, les techniques archéologiques allant s'améliorant. Il faut dire aussi que plus on avançait dans la découverte des pyramides, plus on étendait les recherches à des zones intéressantes mais qui, jusque-là, n'avaient pas encore fait l'objet de fouilles.

Il faut noter aussi que cette méthode de recherches par zones géographiques n'a pas évolué depuis, et c'est encore comme ça que travaillent les archéologues sur le site. Et n'allez pas croire que le plateau de Gizeh est totalement étudiée, c'est faux ! De nos jours encore, de nombreuses zones restent en attente de fouilles.

Mais pour revenir au début du XIXe siècle, le problème du nombre d'archéologues faisant des demandes de fouilles s'est posée. En 1903 le directeur du service des antiquités égyptiennes prit la décision d'accorder de multiples concessions. La nécropole de Gizeh fut donc découpée en plusieurs secteurs alloués à des archéologues en faisant la demande.

La pyramide de Khéops et son cimetière Est fut accordée à l'italien Ernesto Schiapparelli, alors que l'autrichien Georg Steindorff obtint la pyramide de Khéphren et son temple haut, les tombes de la face Sud de la pyramide de Khéops et les mastabas du terre-plein central. L'américain George Andrew Reisner obtint la concession de la pyramide de Mykérinos et ses temples. Ces trois nations se partagèrent aussi le cimetière Ouest par bande s'étalant d'Est en Ouest : les Italiens prirent la bande Sud, les Autrichiens la bande centrale et les Américains la bande du Nord.

Cette répartition se poursuivit ainsi jusqu'à la fin des fouilles, entre les années 1925 et 1940. En 1911 Steindorff abandonna sa concession à l'allemand Hermann Junker, qui en fut dépossédé suite à la défaite de l'Allemagne lors de la première guerre mondiale. C'est l'égyptien Selim Hassan qui la reprit jusqu'en 1925.


1940 à nos jours : L'archéologie moderne

Depuis la seconde guerre mondiale, le plateau de Gizeh à fait l'objet de diverses campagnes de fouilles, mais c'est à partir de 1980 qu'il reçut un regain d'intérêt. Diverses équipes mondiales vinrent sur place pour effectuer des fouilles avec du matériel moderne.

C'est en effet la qualité du matériel et la connaissance de l'Egypte ancienne qui fait toute la différence entre les fouilles pratiquées au XIXe siècle et les fouilles récentes. Les équipes françaises, japonaises, égyptiennes, interviennent régulièrement par campagnes successives, dévoilant toujours plus d'objets, découvrant des nouvelles notions inconnues jusqu'alors.

Les principales découvertes faites récemment sont l'existence du village de travailleurs, correspondant à la cité ouvrière du plateau de Gizeh. Elle fut utilisée essentiellement pendant la construction de la pyramide de Khéphren et celle de Mykérinos (enfin, de tout leurs complexes funéraires). Les fouilles prouvèrent que ces monuments furent construits par des ouvriers et pas des esclaves, ils étaient payés et bien nourris pour s'assurer de la qualité du travail. Nous sommes loin de l'image d'un chantier d'esclaves fouettés comme on a pu le penser longtemps.

L'autre découverte majeure a été la fantastique barque solaire trouvée dans les fosses au pied de la pyramide de Khéops. Ca c'est passé en 1987. Il faut savoir qu'en 1947 une première barque avait été trouvée, elle avait été montée par le service des antiquités égyptiennes qui construisit un musée pour la présenter au public. Cette seconde barque a été découverte par une équipe d'archéologue nippone. Elle est actuellement cours de remontage avant son exposition dans un musée égyptien encore pas décidé.

On le voit, les fouilles de la nécropole de Gizeh sont loin d'être terminées.



Voir aussi :

Visiter les pyramides

Biographie de Khéops





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