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Frédéric Sauvage


Frédéric Sauvage

Frédéric Sauvage

Biographie

Frédéric Sauvage est l'un des 72 savants dont le nom est inscrit sur le premier étage de la tour Eiffel. Il est le 18e, sur la face tournée vers le Sud.

Pierre-Louis-Frédéric Sauvage, mécanicien, est né à Boulogne-sur-Mer le 19 septembre 1785 ; il est mort dans la maison de santé de Picpus, à Paris, le 16 janvier 1857. C'est l'inventeur de l'hélice qui règne aujourd'hui en maîtresse sur tous les bâtiments de navigation maritime et fluviale. Cette création admirable lui valut des persécutions sans nombre, la ruine, la douleur d'être emprisonné pour dettes par des créanciers imbéciles et cruels (comme il y en a trop) et de finir fou dans un asile d'aliénés. Sa ville natale lui a érigé une statue après sa mort, minime compensation pour tant de luttes et tant d'admirables travaux. Cette statue, due au ciseau du sculpteur Lafrance, a été inaugurée le 12 septembre 1881, grâce aux concours réunis de la Ville et de la Chambre de commerce de Boulogne-sur-Mer.

Frédéric Sauvage fut d'abord employé dans l'administration du génie militaire, puis il devint constructeur de navires en 1811. C'est à partir de cette époque que son génie prit son essor pour le conduire à une série de créations ingénieuses qui ont été la gloire et le tourment de sa vie. En 1821, il fonda à Eblingen, près Marquise, dans le département du Pas-de-Calais, un établissement pour le sciage et le polissage du marbre. C'est là qu'il éleva son moulin horizontal donnant un mouvement continu, quelle que soit la direction du vent. En 1825, il inventa son physionomètre, machine originale permettant de prendre l'empreinte des objets en les touchant, et donnant ainsi à la plastique le moyen de couler des moules et de faire des reproductions à l'infini. Il inventa ensuite le réducteur, sorte d'application du pantographe à la sculpture; le soufflet hydraulique, au moyen duquel on élève l'eau à une hauteur déterminée par le poids de la colonne du liquide.

Mais l'idée qui absorba toute sa vie fut de débarrasser les bâtiments à vapeur des roues à aubes qui alourdissent les formes et gênent les manœuvres. En poursuivant obstinément la recherche d'un propulseur qui pût être facilement placé sous l'eau, son esprit juste et droit dégagea de l'observation et de l'hypothèse une des plus belles inventions du XIXe siècle. C'est en étudiant la manœuvre des petites embarcations dirigées par un seul homme à l'arrière, au moyen d'un seul aviron, qu'il fut conduit à assigner à l'hélice sa forme et son emplacement. C'est l'observation de cette manœuvre de la godille, vue par tant de gens avec indifférence, qui devint le point de départ de ses essais. Cette induction de génie réalisa la navigation moderne. Mais les débuts de cette application furent hérissés de difficultés inouïes Frédéric Sauvage y consacra ses veilles, y dévora ses ressources, y épuisa sa santé, y sacrifia sa liberté. Usé par des années de luttes et de misère, par des fatigues physiques sans nombre, des souffrances morales sans cesse renaissantes, ce grand esprit se troubla et Frédéric Sauvage, après avoir passé par la maison pour dettes, tellement l'homme est souvent bête et méchant, finit ses jours dans une maison de fous. Pendant ce temps-là l'hélice triomphait partout.

La première fois qu'elle fut appliquée en grand, c'est le 21 juillet 1843. MM. Normand et Barnès, armateurs au Havre, en avaient pourvu un magnifique aviso à vapeur, nouvellement construit, le Napoléon, et qui était commandé par le lieutenant de vaisseau marquis de Montaignac, mort amiral de France le 9 juin 1891. Mais le nom de Frédéric Sauvage fut à peine prononcé, et pendant ce temps-là, le pauvre grand homme avait été enfermé pour dettes à la prison de la ville. De Saint-Adresse où il habitait, Alphonse Karr put voir ce jour-là le Napoléon à hélice sortir des bassins du port du Havre et rentrer salué par les acclamations de la foule. Il publia dans les Guêpes un article éloquent et vengeur, où il plaida chaleureusement la cause du génie méconnu et persécuté. C'est une des belles pages de ce noble écrivain, une des belles actions de la vie de ce grand et glorieux vieillard, qui en compte beaucoup à son actif et qui s'est éteint en 1890.

"Il y avait un homme qui n'était point sur le Napoléon, dit Alphonse Karr dans cet article, un homme qui n'avait pas été admis à prendre sa part de cette promenade triomphale, un homme que les journaux ne nomment pas. Cet homme était simplement Sauvage, l'inventeur des hélices ; Sauvage qui depuis treize ans travaille et lutte : deux ans d'abord pour trouver et appliquer son hélice ; ensuite onze ans contre l'incrédulité, l'envie et la malveillance. J'écris dans ce moment une des impressions les plus tristes que j'ai ressenties de ma vie. Je savais que Sauvage était enfermé dans la prison du Havre, pour une misérable dette contractée pour l'hélice, niée jusqu'alors et aujourd'hui triomphante. On regardait avec fierté rentrer le Napoléon, et personne ne pensait à l'inventeur. J'allais voir Sauvage dans sa prison..."

Cet article eut un retentissement considérable. On s'arrangea pour rendre Sauvage à la liberté et on lui donna un peu plus tard une misérable pension de 2 000 francs.

Le portrait de Frédéric Sauvage est celui qui a été dessiné par Gavarni sur le déclin de la vie du glorieux et infortuné inventeur. C'est un document douloureux et très vivant.

Une des rues de Paris, sur la rive gauchede la Seine, ainsi qu'une des rues de la ville du Havre, portent le nom de Frédéric Sauvage. Un très bon livre a été écrit par M.G. Paillart sur la vie et les inventions de Frédéric Sauvage; il a été publié en 1881 par la maison Dentu. N'oublions pas d'ajouter qu'avec Alphonse Karr, le baron Séguier se fit à l'Académie des Sciences le défenseur éloquent des découvertes de Sauvage. Ce sont deux exemples qui consolent des autres ignominies humaines, dont beaucoup, hélas ! se font sous le manteau de la loi, avec le concours de la force publique.

Quelle histoire poignante à raconter que celle de tous les chefs-d'œuvre et de toutes les inventions conçues dans les prisons, les cachots et même les cabanons ! Elle sera humiliante à lire autant que douloureuse à composer. Peut-être tenterons-nous un jour cette narration vengeresse.



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