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L'Egypte aux temps des pharaons


La préhistoire égyptienne débute à l'époque néolithique avec l'apparition de l'homme, probablement chassé parla désertification des régions limitrophes, dans l'étroite bande de terre fertilisée par les eaux du Nil dont il entreprend l'aménagement pour la culture. Au cours du IVe millénaire avant JC, deux royaumes se constituent : en Basse-Egypte (région du Delta) autour des cités de Bouto et de Sais, et en Haute-Egypte autour d’Hiéracopolis. Narmer, roi du Sud, réussit vers 3200 à unifier l'Egypte à son profit et fonde à This la première des trente dynasties qui vont administrer l’Egypte jusqu'à ce qu'en 333 avant JC. celle-ci ne soit réduite à l'état de province grecque.


L'histoire sous les pharaons

Les souverains des deux premières dynasties (période thinite) assurent l'organisation du pays et jettent les bases de la monarchie pharaonique : tout en respectant son morcellement historique en petites provinces (ou nomes) dont ils font la base de leur administration, ils dirigent eux-mêmes depuis leur palais l'unification et la mise en valeur de l'Egypte, notamment par une politique nationale d'irrigation. Ils imposent Horus, leur dieu dynastique, dont le roi se prétend l'incarnation, à la tête de la hiérarchie officielle des divinités du pays.

Avec la IIIe dynastie débute l'Ancien Empire (de 2800 à 2400 av. J.-C). Le roi Djoser transfère la capitale du pays à Memphis et — ‘’administration royale se renforçant — s'adjoint un vizir. Le premier fut peut-être Imhotep, homme de lettres, médecin et architecte qui conçut pour le tombeau du roi à Saqqarah la première pyramide. Le dogme solaire d'Héliopolis est institué en religion d'Etat et les monarques ajoutent à leur nom le titre de «fils de Rê». À l'extérieur, l'Egypte commence à entretenir avec toute la Méditerranée orientale et avec la Nubie des relations où alternent échanges commerciaux et expéditions guerrières. Le trop long règne (94 ans) de Pépi II précipite, à la faveur sans doute d'invasions étrangères, l'effondrement de la monarchie memphite, amorcé dès les débuts de la VIe dynastie par la montée en puissance de la féodalité provinciale.

Il faut alors attendre l'aube du IIe millénaire pour qu'émerge, de la multiplicité des royautés qui s'étaient partagé le pays pendant trois siècles, une dynastie thébaine, la XIe, qui refait l'unité de l'Egypte à son profit, inaugurant le Moyen Empire (de 2050 à 1800 av. J.-C). Ses souverains restaurent une monarchie centralisatrice dont le dieu suprême est Amon. Limitant le pouvoir des «nomarques », ils favorisent le développement de la classe moyenne. Ils s attachent également à défendre les frontières de l'Egypte contre les agressions étrangères (construisant notamment au nord-est une ligne de fortifications) et reprennent les expéditions commerciales vers la Nubie, le Sinaï et la Syrie. Mais, à partir de 1900 av. J.-C, des populations d'origine asiatique, sans doute chassées de leurs terres par les invasions venues des régions de la mer Caspienne et de la mer Noire, s'infiltrent dans le Delta. Ces Hyksos profitent du morcellement politique, qui s'était à nouveau instauré en Egypte à partir de la XIVe dynastie, pour foncier un nouveau royaume autour d'Avaris. Adoptant les coutumes égyptiennes, ils règnent sur la Basse-Égypte jusqu'à ce que les nomarques thébains de la XVIIe dynastie parviennent à les chasser du pays vers 1580 av. J.-C.

Pour se protéger contre les puissants États récemment constitués au Proche-Orient (le royaume hittite, le Mitanni, l'Assyrie et Babylone), les pharaons du Nouvel Empire (de 1580 à 1085 av. J.-C), notamment Thoutmosis III et Ramsès II, se transforment en conquérants. Au maximum de sa puissance, l'Empire égyptien va s'étendre depuis la Haute-Nubie jusqu'à l'Euphrate. Les territoires soumis sont organisés en protectorats et doivent payer des tributs. Les pharaons savent aussi user de la diplomatie, nouant des alliances avec leurs ennemis de la veille en épousant des princesses asiatiques. Ce sont également de grands bâtisseurs (Karnak, Abou-Simbel, les hypogées de la Vallée des Rois datent de cette époque). Tandis que l'administration est passée sous l'autorité des vizirs qui contrôlent directement les nomarques — dont les fonctions ne sont plus qu'honorifiques —, le pharaon est assisté dans ses devoirs religieux par le grand prêtre d'Amon. Le clergé thébain finit par devenir un État dans l'État, allant jusqu'à s'ingérer dans la conduite des affaires politiques. Aménophis IV (époux de la fameuse Nefertiti) tente alors d'instaurer le culte du disque solaire Aton. Il prend le nom d'Akhenaton («Celui qui plaît à Aton») et transporte sa capitale de Thèbes à Tell al-Amarna. Mais cette révolution, politique autant que religieuse, prend rapidement fin sous le règne de Toutankhamon (vers 1350). La fin du Nouvel Empire est marquée par un nouvel affaiblissement de l'autorité royale. Tandis que le protectorat égyptien sur l'Asie devient de plus en plus inefficace, le royaume est en butte aux invasions des Peuples de la Mer.


Après l'antiquité

Pendant la Basse Époque (de 1085 à 333 av. J.-C), deux dynasties indigènes se partagent d'abord le pays — Tune installée à Tanis régnant sur le Delta, l'autre, dirigée par les grands prêtres d'Amon, à Thèbes — avant que des dynasties étrangères, d'origines libyenne (vers 950) puis soudanaise (vers 750), ne s'emparent finalement du pouvoir. Vers 670, le Delta est envahi par les troupes d'Assurbanipal et devient un protectorat assyrien. Psammétique Ier, roi de Sais, parvient à libérer le pays avec l'aide de mercenaires grecs. Sous les dynasties Saïtes, le pays connaîtra alors pendant un siècle et demi une dernière restauration nationale, compromise toutefois par la défaite de Karkemish (605) contre le prince babylonien Nabuchodonosor, avant de tomber sous l'emprise de la Perse, une première fois de 525 à 404 et une seconde fois de 341 à 333, après que Nectanebo II, dernier pharaon indigène de l'histoire d'Egypte, eut été soumis par Artaxerxès III. Les premiers souverains perses avaient d'abord tenté de s'assimiler, comme l'avaient fait avant eux les Hyksos, en adoptant les rites et les insignes de la monarchie pharaonique. Mais la brutalité de leurs successeurs avait provoqué des révoltes endémiques du peuple égyptien contre un asservissement de plus en plus lourd. Aussi, lorsque, en 333, Alexandre de Macédoine, qui venait de battre les Perses à Issos, pénétra en Egypte, il fut accueilli en libérateur.

Le pays allait pourtant durant trois siècles (333 à 30) tomber sous une domination grecque qu'il ne tarderait pas à honnir. Alexandre se fait couronner roi et fonde Alexandrie qui deviendra la capitale. À sa mort, son empire est morcelé entre ses anciens compagnons et l'Egypte échoit en partage à Ptolémée, fils de Lagos. Il se proclame roi en 305 et fonde la dynastie des Lagides. Les souverains ptolémaïques imposent à l'Egypte une domination de type colonial : l'administration, extrêmement centralisée, est entre les mains de Grecs et veille notamment à l'organisation de la production agricole au profit du roi, propriétaire de la quasi-totalité du sol. Les révoltes indigènes sont fréquentes. En outre, les révolutions de palais incessantes finissent par épuiser la monarchie. L'Egypte est finalement annexée par Rome en 30 avant J.-C, sous le règne de Cléopâtre, qui sera l'épouse de César puis d'Antoine, avant de se tuer pour ne pas survivre au naufrage définitif du royaume des pharaons.

L'Egypte ancienne demeura pendant des siècles aux yeux de l'Occident une sorte de mythe. Certes, les lettrés savaient, grâce aux récits d'auteurs grecs et latins, qu'un puissant royaume avait jadis existé, puis disparu, laissant d'étonnants vestiges architecturaux. Mais la conquête arabe du VIIe siècle, qui avait intégré le pays dans le monde redouté de l'Islam, avait longtemps découragé les candidats au voyage.

A la fin du XVIIe siècle, l'intérêt scientifique succéda aux raisons commerciales qui avaient dès la Renaissance encouragé les marchands vénitiens à faire escale à Alexandrie. Les voyageurs de l'époque, notamment Richard Pococke (1704-1765), nous ont laissé d'inestimables descriptions d'un certain nombre de monuments qui moins d'un siècle plus tard, lors des premières campagnes archéologiques, avaient déjà disparu. Car les autorités égyptiennes, tout en concédant des permis de fouilles aux premiers savants occidentaux, continuaient au début du XIXe siècle à considérer les vestiges pharaoniques comme des réserves de matériaux (les pyramides de Gizeh avaient ainsi été dans le passé utilisées comme «carrières» lors de la construction du Caire).

La flotte française dirigée par Bonaparte, qui débarqua à Alexandrie en 1798, comportait — outre des hommes de guerre — 167 artistes et savants qui allaient jouer un rôle déterminant dans la naissance de l'égyptologie. C'est par un officier français que fut découverte en 1799 sur la rive gauche du Nil la célèbre pierre de Rosette qui permit à Jean-François Champollion de percer en 1822 le mystère des hiéroglyphes et d'ouvrir ainsi un champ d'investigation inépuisable aux savants. Un autre Français, Auguste Mariette (1821-1881) organisa le Service des antiquités égyptiennes et dirigea de nombreuses fouilles dans le pays (c'est lui qui mit à jour le serapeum de Saqqarah).

Mais il est curieux de constater que certaines des trouvailles les plus célèbres sont dues à des personnages en marge de la science : c'est le cas, au XIXe siècle, de l'ouverture du temple d'Abou-Simbel par l'aventurier italien Giovanni Battista Belzoni (1778-1823), et surtout de la découverte, en 1929, du tombeau de Toutankhamon par Howard Carter, qui dirigeait alors une mission privée pour le compte d'un riche collectionneur anglais, lord Camarvon.

La vie égyptienne au temps des pharaons

Les traits fondamentaux de la civilisation égyptienne se fixèrent dès le règne des premiers pharaons: monarques absolus se targuant d'une origine surhumaine, ceux-ci étaient les pivots d'une organisation politique, économique et sociale très hiérarchisée. La naissance simultanée de l'écriture hiéroglyphique apparaît comme une des conditions nécessaires à l'épanouissement de cette société, car elle permit aux poètes et aux prêtres d'exalter la gloire du roi et des dieux, aux scribes, chargés des tâches administratives, de tenir des archives et de transmettre les ordres.

Paradoxalement, ce sont les scènes ornant les tombeaux de ce peuple, pour qui l'au-delà n'était qu'un prolongement de la vie terrestre, qui nous content aujourd'hui le détail de sa vie quotidienne. Agriculteur avant tout, il a représenté les semailles et les moissons — on cultivait surtout l'orge, le blé, et le lin pour les étoffes —, la cueillette et les vendanges, la chasse et la pêche, l'élevage : outre les vaches, moutons et chèvres, il chercha à domestiquer toutes sortes d'espèces sauvages. L'âne était l'animal de bât par excellence, tandis que le cheval n'apparut que tardivement et semble n'avoir été utilisé que pour la guerre. L'égyptien inventa probablement l'apiculture dont les méthodes ainsi que les multiples usages, sacrés et profanes, du miel et de la cire sont illustrés en détail.

Chaque été, la crue du Nil apportait sur le sol le limon fertilisant. Aussi l’essentiel de la population, se concentrait-elle dans le Delta et la vallée du fleuve, I ‘unique voie de communication et de transport des marchandises, l’irrigation devait être constamment aidée et surveillée, au moyen de digues et de canaux. Pendant la période des inondations, les agriculteurs pouvaient se trouver enrôlés pour certains travaux publics, tels que la construction des pyramides.

L'Egypte compta aussi, dès l'époque ancienne, de grands centres urbains : Héliopolis, Memphis, Thèbes... Les maisons et les palais, édifiés en brique crue, ont disparu, mais on peut les imaginer à partir des fondations mises à jour par les fouilles et de quelques modèles réduits retrouvés notamment dans les tombes du Moyen Empire. Les tableaux peints ou sculptés dans les chapelles funéraires évoquent quant à eux les activités des classes dirigeantes, leurs distractions (scènes de banquet, de concert), la vie familiale, les modes vestimentaires, les tâches des domestiques (préparation des mets, tissage). Les objets déposés près du sarcophage (meubles, bijoux...) permettent de reconstituer leur cadre de vie. Ils témoignent d'une technique très poussée de l’ébénisterie, de l'orfèvrerie, de la céramique... Les artisans étaient le plus souvent regroupés au sein d'ateliers royaux ou attachés à des temples, et l'essentiel de leur production s'accumulait, hors du regard du profane, dans les trésors des dieux, des pharaons ou des nobles défunts.

L’écriture

Pour ceux qui recevaient une formation intellectuelle (prêtres, scribes), les études commençaient dès le plus jeune âge, dans des écoles attachées aux palais ou aux temples. Elles comprenaient un tronc commun : la science de l'écriture. Le mot « hiéroglyphe » fut forgé par les Grecs à partir de hicros (sacré) et de puphcîn (graver), sans doute parce qu'ils en découvrirent les premiers exemples sur les murs des temples. De fait, les hiéroglyphes constituèrent tout au long de l'histoire pharaonique récriture ornementale par excellence : peintres et graveurs pouvaient d'ailleurs les regrouper à leur guise, dans un souci d'harmonie, soit en colonnes soit en lignes (de gauche à droite ou de droite à gauche, la direction de la lecture étant dans ce cas déterminée par la disposition des signes représentant des êtres animés : on usait en allant à leur rencontre). A l'origine, les Égyptiens utilisèrent une écriture d'une extrême simplicité : chaque hiéroglyphe représentait l'objet qu'il désignait (ainsi exprimait-on «cinq bœufs» par l'image de l'animal suivie de cinq traits). C'est ce qu'on appelle des «idéogrammes» (du grec ciaos, «forme») ou «signes-mots».

Afin de permettre la transcription de termes plus abstraits ou d'actions complexes, on attribua ensuite à la plupart de ces signes une valeur phonétique et on les associa alors comme dans un rébus (par exemple, le verbe «établir», qui se disait semett, était figuré par deux hiéroglyphes: le premier représentait une étoffe pliée et se prononçait « se », et l'autre un échiquier, « men »). Pour éviter des confusions entre des mots de même «squelette consonantique» (les voyelles n'étant pas transcrites), on avait de plus recours à des signes « déterminatifs », qui ne se prononçaient pas. Placés à la suite des mots, ils précisaient à quelle famille chacun appartenait et permettaient également de les distinguer, car on les inscrivait à la suite les uns des autres, sans aucune séparation. Les scribes égyptiens mirent au point, pour leurs besoins courants (courrier, comptabilité, littérature), une écriture plus rapide, le hiératique, qui reprenait en les simplifiant les hiéroglyphes et qu'on traçait à l'encre sur papyrus ou tablettes. Elle-même dégénéra au IIIe siècle avant JC en une forme plus cursive encore, dite démotique. En adoptant les caractères grecs au IIIe siècle après JC, et plus tard encore l'alphabet arabe, les Égyptiens abandonnèrent progressivement leurs écritures traditionnelles, au point d'en oublier eux-mêmes le sens, qui allait rester une totale énigme jusqu'à ce qu'au XIXe siècle Champollion en retrouve la clef.


Croyance en l’au-delà

S'il faut en croire les reflets, sans doute idéalisés, que leur art nous en a laissés, la vie était douce pour les anciens Égyptiens. Aussi ne voulaient-ils voir dans la mort qu'un passage vers une autre vie, conçue à l'image de celle qu'ils avaient goûtée ici-bas. Les précautions prises pour l'ensevelissement des défunts en témoignent.

On attribuait à l'homme, outre le corps, plusieurs éléments spirituels: les principaux étaient le « bâ » (l’âme), que la mort libérait du corps, et le «kâ» (l'énergie vitale). Ce dernier avait besoin du support du corps, préservé de la destruction par les rites à la fois matériels et magiques de la momification, pour subsister, et ainsi assurer au défunt une survie éternelle. Enfermée dans un sarcophage, la momie était alors placée dans le tombeau, conçu comme la maison du mort : son équipement comportait notamment un mobilier funéraire et des objets usuels (armes, vaisselle, vêtements...). Le tombeau renfermait également une statue à l'effigie du mort, qui lui servirait de corps de remplacement pour le cas où la momie serait détruite. Avec la diffusion du mythe osirien, cette organisation de la survie éternelle, à l'origine réservée aux pharaons, puis étendue par eux à l'aristocratie, cessa d'être le privilège de quelques-uns et fut offerte, dès la fin de la VIe dynastie, à quiconque avait les moyens de sacrifier à ces rites.

Car les soins que les vivants devaient aux morts ne s'arrêtaient pas au lendemain des funérailles : il fallait rendre un culte quotidien et perpétuel au défunt, en déposant des offrandes dans la tombe. Des prêtres funéraires, appelés « serviteurs du kâ», pouvaient s'en charger. Mais ce service coûtait cher et l'on craignait qu'il ne fût négligé. Aussi prit-on l’habitude d'emmagasiner dans la tombe des aliments, momifiés ou factices, pour assurer sa subsistance, ainsi que des statuettes figurant les domestiques du défunt, pour le servir éternellement. Souvent l'on représentait sur les murs de la chapelle le mort assis devant une table couverte d'offrandes. En cas de besoin, ces objets et ces images, doués de magie, pouvaient — croyait-on — prendre réalité. Ainsi la croyance en la survie domine-t-elle la civilisation de l'Egypte pharaonique dans certaines de ses expressions les plus spectaculaires et notamment dans le domaine artistique.


L'art égyptien

L'art de l'Egypte pharaonique, dont l’histoire se déroule sur plus de 4 000 ans, frappe le spectateur pressé par l'apparente monotonie de son langage formel. Mais celui qui poursuit l'observation, notamment sur le terrain, peut percevoir les nuances de style propres à chaque époque — d'autant plus nettement que le déplacement géographique de la capitale du pays a souvent inauguré les grandes périodes politiques : de Memphis (Ancien Empire), à Thèbes (Moyen Empire et Nouvel Empire) de Thèbes à Tell al-Amarna (sous Akhenaton) — et noter parmi d'autres ce parallèle : la décadence du pouvoir central entraînait en général celle de tous les arts (en volume comme en valeur), tandis que les époques culminantes de la civilisation égyptienne correspondent au contraire à celles de la monarchie pharaonique.

Gravures, dessins

L'Ancien Empire a fixé les traditions de l'art pharaonique et élaboré les principales conventions qui en font l'originalité, dans la représentation du corps humain (le visage de profil, mais l'œil de face, le torse de face, mais le bassin de trois-quarts et les membres de profil...), la notation de la hiérarchie sociale (le pharaon dominant ses sujets par la taille, de même que le maître ses serviteurs) ou l'indication du déroulement des scènes, détaillées en actions successives. Ces conventions sont liées aux objectifs magiques d'un art intimement lié à la religion et qui s'affranchissait de la perception réelle des choses pour tenter de saisir simultanément tous les aspects d'un être ou d'un événement afin d'en assurer la survie. Celui que nous appellerions aujourd'hui «artiste» n'était alors qu'un «artisan spécialisé» (hémout : celui qui façonne). Intégré à un atelier royal, il n'accomplissait le plus souvent dans la réalisation d'une œuvre qu'une tâche fragmentaire et restait anonyme.

L'Ancien Empire aborda également les thèmes (le roi «en majesté», l'offrande aux dieux et aux morts, les scènes de la vie quotidienne) qui seront repris inlassablement pendant des siècles, et notamment à des époques, comme celle de la « renaissance saïte» au VII siècle avant JC où, après une période de domination étrangère, les efforts politiques et militaires d'affirmation nationale s'accompagneront d'une tendance artistique archaïsante (l'art saïte est dit aussi «néo-memphite»).

Il inaugura enfin un débat entre l'idéalisation du portrait, sculpté ou peint, qui caractérisera souvent l'art officiel, et les tentations du réalisme : réservé à l'art privé sous l'Ancien et le Nouvel Empire, celui-ci atteindra à l'époque amarnienne — en une libération spectaculaire et quelque peu outrancière — la représentation du roi et de ses proches.

Architecture

Des monuments des deux premières dynasties thinites, édifiés en matériaux légers, il ne reste pratiquement rien. Le développement véritable de l'architecture égyptienne, caractérisée par une recherche du colossal, débute avec l'emploi de la pierre.

Les complexes funéraires

Bien qu'elle ne constitue qu'un moment relativement fugitif de l'histoire de l'architecture funéraire royale, c'est la pyramide qui symbolise aujourd'hui l'art de l'Ancien Empire. C'est à partir de la IIIe dynastie que les tombes royales vont se distinguer de celles des simples particuliers (les mastabas) et exalter par leur superbe majesté le caractère surhumain des souverains. Les mastabas étaient des superstructures de forme rectangulaire qui recouvraient le caveau contenant le sarcophage, lui-même profondément enfoui dans le sol. Elles comprenaient une chapelle funéraire dans une paroi de laquelle une niche dite « fausse porte », destinée au passage du monde des morts à celui des vivants, dissimulait un couloir contenant les statues du défunt (offrir à celui-ci un corps de remplacement pour le jour de sa résurrection fut une des fonctions majeures de la statuaire égyptienne). Imhotep, architecte chargé de la construction du tombeau du roi Djoser (IIIe dynastie) à Saqqarah, eut l'idée de superposer six mastabas de tailles décroissantes, inventant la première pyramide dite «à degrés». Il l'entoura d'une enceinte à l'intérieur de laquelle il édifia notamment un temple funéraire et une chambre aux statues, pour la première fois dissociés du tombeau. Après quelques réalisations intermédiaires (pyramide rhomboïdale de Snefrou à Dahchour), les recherches des architectes et l'habileté de milliers d'ouvriers ne disposant que d'un outillage rudimentaire permirent l'édification sur le plateau de Gizeh des trois pyramides à paroi lisse des rois Kheops, Khephren et Mykerinus (IVe dynastie), dont la plus grande atteignait à l'origine 146 m de haut sur une base carrée de 230 m de côté. La pyramide abritait le caveau, aménagé à l'intérieur de la masse de pierres que pénétrait un réseau compliqué de galeries, avec des couloirs dérivés en cul-de-sac. Le dispositif funéraire était complété par un premier temple en bordure du Nil (on y préparait la momie royale) qu'une longue chaussée couverte reliait à un second, situé au pied de la pyramide, où les prêtres accomplissaient chaque jour les rites de survie. Soixante-dix pyramides au total furent édifiées jusqu'à la fin de l'Ancien Empire, mais leur taille diminua à mesure que le royaume sombrait dans la crise économique et sociale.

Au Nouvel Empire, les tombes royales, groupées sur la rive gauche du Nil à Thèbes, devenue la capitale du royaume, furent désormais creusées dans les parois rocheuses de la Vallée des Rois sans qu'aucune construction extérieure n'en révélât l'emplacement. Un long couloir descendait en pente douce vers une chambre double : l'une abritait le sarcophage, l'autre contenait tous les objets (meubles et vaisselle, vêtements et parures, denrées alimentaires) amassés par le roi pour sa vie dans l'au-delà et qui seuls nous permettent aujourd'hui d'imaginer le décor de ces souverains, car les palais eux-mêmes, construits en pisé ou en brique crue, n'ont pas résisté à l'usure du temps. Les rites funéraires, ainsi que les activités agricoles et artisanales ou les loisirs des particuliers nous sont quant à eux connus, notamment grâce aux bas-reliefs et aux peintures ornant les tombes privées. Cette illustration de la vie quotidienne procédait du même souci de rassembler autour du défunt les témoignages de sa vie terrestre afin d'assurer le prolongement de celle-ci dans l'au-delà.

Les Temples et la statuaire

Second volet des réalisations monumentales de l'ancienne Egypte, l'architecture religieuse a de son côté fixé ses canons à une époque plus tardive. L'ensemble de Karnak, dont la construction débuta au Nouvel Empire, lorsque Thèbes devint la capitale spirituelle et politique du pays, offre un exemple classique de temple divin. Une allée bordée de sphinx conduit à l'entrée, flanquée de portiques. Là s'arrêtait la partie publique. Les appartements privés du Dieu — dont le temple se voulait la demeure sur terre — n'étaient accessibles qu'au pharaon et aux prêtres. Ils comprenaient un sanctuaire renfermant la statue divine, entouré d'annexés servant de sacristie. Au fur et à mesure que l'on avançait, les pièces devenaient plus petites, sol et plafond se rapprochant l'un de l'autre pour ne laisser converger qu'une faible lumière vers le lieu sacré. Sous Ramsès II, le temple connaîtra une curieuse dérive profane : les temples d'Abou-Simbel, consacrés l'un à la déesse Hathor, l'autre à Rê-Horakhty et à Amon-Rê, étaient également destinés à affirmer la puissance du roi d'Egypte aux confins africains d'un empire alors au faite de son extension. Aussi Ramsès II fit-il orner la façade du plus grand de ces deux temples — cavernes creusées dans le roc — de statues colossales (20 m de haut) le représentant assis sur un trône où figurent des captifs africains et asiatiques, tandis que les murs du temple foisonnent de scènes illustrant ses exploits guerriers, et qu'enfin, suprême audace, son effigie figure dans le sanctuaire parmi les statues divines, au même rang et à la même échelle que celles-ci.

C'est principalement sous le Nouvel Empire que la statuaire, souvent liée à l'architecture qui lui prêtait son cadre, atteignit les proportions considérables de l'un des symboles historiques de l'art pharaonique, les fameux colosses de Memnon (21 m), vestiges du temple funéraire d'Aménophis III à Thèbes, qui furent sculptés dans un seul bloc de grès.





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