Le mausolée du Taj Mahal est très largement décorée de motifs floraux, pour la plupart gravés dans le marbre ou en pietra dura, une technique de marqueterie de pierre. Mais on ne peut pas passer à côté des splendides inscriptions en arabe semble t-il, inscriptions qui courrent tout autour des iwans (ces porches larges traditionnels de l'architecture perse). Il y en a aussi sur le portail d'entrée des jardins, et sur les cénotaphes de Shah Jahan et son épouse pour qui a été construit le monument, Mumtaz Mahal.
Mais que signifient-elles ?
Signification des textes
Le texte est écrit dans un langage proche du 'Thuluth', un style associé en particulier au calligraphe persan Amanat Khan qui résidait à la cour moghole et qui a eu la charge de la réalisation de la calligraphie de tout le Taj Mahal. Sa signature apparaît d'ailleurs à de nombreuses reprises dans le marbre. L'historien Wayne Begley suggère, relativement récemment, qu'Amanat Khan fut responsable non seulement de la conception pratique du script, mais aussi du choix des textes. La majorité des textes est issue du Coran. Il y a vingt-deux passages en tout, dont quatorze chapitres entiers, dont certains sont lus dans le cadre des cérémonies funéraires islamiques. Les textes choisis se réfèrent généralement à des thèmes du jugement et de la récompense des fidèles, avec leurs entrées au Paradis. D'ailleurs l'inscription sur le portail d'entrée des jardins du Taj Mahal invite le lecteur à entrer au Paradis, la demeure des fidèles et la récompense pour les justes. Sa présence sur le portail d'accès aux jardins n'est pas anodin car les jardins sont une représentation du Paradis selon l'Islam, et plus particulièrement celui du Taj Mahal, qui a vraiment été conçu en tant que tel.
L'inscription principale qui reçoit les visiteurs, sur la grande porte, avant d'entrée dans les jardins, est :
O âme, tu es au repos. Retour au Seigneur en paix avec lui, et il en paix avec toi
Comme on se rapproche du mausolée, le texte change de ton. Alors qu'à l'entrée c'était une invitation à entrer au Paradis, les inscriptions sur les murs extérieurs de la tombe ne laisse aucun doute sur la catastrophe imminente qui attend les infidèles, le jour du jugement. C'est un message de sévérité qui est distillé, et ça contraste beaucoup avec la douceur de l'architecture, qui est plutôt un symbole d'amour qu'une mise en garde. A l'intérieur du mausolée le ton est plus rassurant, avec de longues descriptions du Paradis qui ornent certains murs. Le texte principal, et finalement le plus important, se trouve sur le cénotaphe supérieur de Mumtaz Mahal. Les paroles de la prière coranique, récités par des anges, implorent Allah de permettre aux fidèles d'entrer au Paradis, une demande touchante d'appel à la miséricorde de Dieu envers son serviteur dévoué, Mumtaz Mahal.
Rappelons que le Coran se divise en Sourate, des textes indépendants se référant à un même ensemble. Il y en a 114, plus ou moins longues, chacune ayant un titre et un certain nombre de versets. Les versets utilisés sur les monuments du Taj Mahal font référence au thème du jugement dernier, ils sont tirés des sourates suivantes :
- 36 : Ya Sin (Elle contient 83 versets) Les versets choisis parlent de la responsabilité morales des hommes, de la résurrection et de la prière des morts
- 39 : Les Groupes (75 versets). Le texte incrusté est une allégorie à la dernière heure et au jour du jugement dernier.
- 48 : La victoire (29 versets). Ces versets parle du "Traité d'Hudaybiyyah" qui provoqua le premier pélerinage.
- 67 : La Royauté (30 versets). Il s'agit de phrases mettant en avance la dépendance de l'homme envers le guidage des âmes vers la révélation divine.
- 77 : Les Envoyés (50 versets). Ceci fait référence à la révélation du Coran.
- 81 : Le Décrochement (29 versets). Ces versets parlent de la dernière heure et de la résurrection des hommes.
- 82 : La Rupture du ciel (19 versets). Ce texte est une explication sur la séparation qui s'opère dans les Cieux et donne une description du jugement dernier.
- 84 : La Déchirure (25 versets). Il y a écrit de détail du jugement dernier lors de l'interrogation de chacun sur ses actes.
- 89 : L'aube (30 versets). Ces versets racontent la destruction des incroyants et l'entrée des fidèles au Paradis.
- 91 : Le Soleil (15 versets). Il s'agit de l'histoire des Thamud, une ancienne tribu propère mais désormais éteinte.
- 93 : La clarté du jour (11 versets). Ces versets racontent comment Mahomet a été consolé, comment son anxiété disparut.
- 94 : L'Ouverture (8 versets). Le texte explique comment Mahomet a été rassuré sur le fait que la période difficile sera courte.
- 95 : Le Figuier (8 versets). La vie parfaite des humains permet d'entrer dans la gloire le jour du jugement dernier.
- 98 : La Preuve décisive (8 versets). Ce texte explique le besoin d'envoyer un messager sur Terre avec le Coran.
- 112 : Le Culte pur (4 versets). Ces versets parlent de l'unité de Dieu.
Le verset 58 de la sourate 36 est "Paix ! Telle est la parole qui leur sera adressée de la part d’un Seigneur miséricordieux". Il s'agit d'un des rares versets qui évoque le contact entre Dieu et les humains.
Inscriptions sur les tombes
Les deux tombes sont elles aussi recouvertes d'inscriptions calligraphiques faisant référence au Coran. Ainsi sur celle de Mumtaz Mahal on peut y lire les quatre-vingt dix noms de Dieu, sur les côtés de la tombe, dans la crypte. Il y a, par exemple : "O Noble, O Magnifique, O Unique, ô Eternel, ô glorieux, etc.". Celle de Shah Jahan porte l'inscription calligraphique "Il a voyagé de ce monde à la salle de banquet de l'éternité dans la nuit du vingt-sixième du mois de Rajab, en l'an 1076 Hijri". Cependant, le point central est rempli par des passages du cénotaphe de Mumtaz Mahal. Les paroles de la prière coranique récitées par les anges, implorent Allah pour permettre aux fidèles d'entrer dans le paradis, une demande émouvante pour la miséricorde de Dieu envers Son serviteur dévoué, Mumtaz Mahal.
Inscriptions du Taj Mahal
Inscriptions du Taj Mahal
Inscriptions du Taj Mahal
Pour résumer
En résumé, le message délivré par les inscriptions sur le Taj Mahal est donc clair : Il s'agit d'une invitation à vivre sur Terre en bon musulman, avec trois passages distincts : Un appel à voir ce qu'est le Paradis (sur le portail d'entrée), une mise en garde sévère (sur les façades du mausolée) et un appel plus personnel à la miséricorde (sur le cénotaphe).
Style de l'écriture
Ces inscriptions sont bien en arabe, mais un arabe un peu spécial, de nos jours. Elles sont faites en marbre noir sont utilisés à la fois pour diffuser un message et pour décorer. Le lettrage de marbre noir est incrusté sur des plaques de marbre blanc qui mettent en avant les caractéristiques architecturales du monument. Les lettres sont arrondies ont une forme générale allongée, majoritairement horizontalement, mais cette alternance de traits verticaux et horizontaux donne la sensation qu'il s'agit d'une grille.
La pierre utilisée pour l'écriture est le marbre noir. Il n'est pas veiné de blanc comme souvent, cette pierre est d'un noir profond.
De plus, Amanat Khan, le calligraphe, avait conçu le texte de sorte que toutes les lettres se tournent vers le spectateur avec une taille identique. Pour faire cet effet il dut agrandir les signes les plus hauts car les visiteurs les voient essentiellement de près. C'est une technique qui demande une grande maîtrise de la perspective, preuve de la grande capacité de la culture moghol à créer des décorations de très grandes qualités.
Technique d'incrustation
Le travail d'incrustation des pierres dans un support également en pierre doit être d'une grande précision. Les artistes ayant oeuvrés sur le Taj Mahal étaient dotés d'une capacité de concentration et d'une minutie à toute épreuve, car en de nombreux endroits la qualité est irréprochable. D'ailleurs cette qualité d'exécution des travaux est un des éléments prouvant la réussite du bâtiment en entier.
Pour faire ces incrustations ont a utilisé la technique de la pietra dura. Il s'agit d'une méthode simple mise au point par les lapidaires de Florence, en Italie, qui étaient passés maître dans l'art de la marqueterie des pierres. Ce sont eux qui exécutèrent une grande partie des travaux d'incrustation, s'étant déplacés en Inde pour apporter leurs savoir-faire.
En pratique, le principe consiste à abraser une plaque de marbre servant de support jusqu'à ce qu'elle soit parfaitement polie. Puis, l'artiste fait un croquis du dessin à réaliser et taille dans les pierres correspondant aux bonnes couleurs les formes à incruster, comme des pièces d'un puzzle. Enfin, il reporte sur la plaque de marbre le contour des pierres taillées et creuse jusqu'à obtenir une cavité correspondant à la pierre. On imagine la précision qu'il fallait pour que les deux parties s'incrustent parfaitement, aussi bien en largeur qu'en longueur, et même en profondeur, car si à la fin l'artiste polissait à nouveau la plaque de marbre pour tout niveller, il ne fallait quand même pas trop d'écart de hauteur entre le support et la pierre.
Cette méthode est appelée pietra dura, elle est toujours employée de nos jours. C'est la même méthode qui a été employé pour les incrustations de motifs floraux.
Voir aussi :
Les décorations florales du Taj Mahal.