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Dans les environs de la statue de la Liberté : New-York


Cherchez l'erreur... ou plutôt ne vous en donnez pas la peine. Car la plus grande erreur, à New-York, serait de vouloir lui trouver une logique. New-York est tout sauf rationnelle, malgré l'apparence de ses rues tracées au cordeau. Extravagante et insolite, elle est faite de ces rencontres qui frôlent l'hallucination. New-York est un immense effet de surprise. Tout est possible, même balader ses dromadaires sur la 5e avenue comme d'autres promèneraient leur chien. Sans que personne, ou presque, ne prenne le temps de s'étonner.


New-York insolite

Dans la ville de l'urgence, il faut savoir vivre vite, prendre le train en marche et ne jamais s'arrêter. New-York est en ébullition permanente, à l'image de ces vapeurs surgies du sous-sol et qui font partie intégrante du paysage urbain. Les soldats du feu, incarnation débonnaire du héros américain, aux juifs de Brooklyn, silhouette familière de la ville-monde, New-York est faite de ces clichés. Tellement cliché qu'on est assuré, du même coup, d'être en pleine réalité. Et quand la ville exhibe ses ballons géants et ses fanfares, à l'heure tant attendue de la parade, c'est pour exprimer ce qu'elle a de plus vrai : le sens du spectacle. Marcher dans Manhattan promet d'insolites rencontres : des dog-sitters étudiants œuvrant contre dollars pour la gent canine, des hommes-sandwichs et des golden-boys de Wall Street avaleurs de hot-dogs. C'est découvrir une ville en mouvement perpétuel où l'on court pour le plaisir, où l'on se mélange, encore et toujours, dans un métro brinquebalant qui est tout un voyage. Ici, le melting-pot est un art de vivre. Car Manhattan est un monde. Un monde à part. Les tunnels and Bridges people le savent bien, qui chaque matin affluent du Bronx, de Brooklyn ou du Queens, avec l'impression de venir de très loin.


Architecture

Au pays de la libre entreprise, la forêt de buildings de Manhattan est un hymne à l'audace, à défi à l'imagination. Une saga new-yorkaise, foisonnante et lyrique, qui se lit de haut en bas. Une aventure vertigineuse qui vous dépasse, vous renverse, vous submerge. Emprunter la passerelle piétonne du Brooklyn Bridge, suspendue à 40 mètres au-dessus de l'East River, réserve un spectacle presque surréaliste : La Skyline de Manhattan surgit dans un bruit de fond mêlant le sifflement du vent dans les câbles d'acier et le grondement des voitures qui défilent sous les pieds. Autre site, autre période : Wall Street le dimanche, c'est un pur moment de bonheur. Exit Dow Jones et courtiers, la Bourse s'est refermée comme une coquille. La rue la plus célèbre du monde de la finance, vidée de sa substance, respire la sérénité.

Times Square

Times Square

Vue de Brooklyn, l'île de Manhattan ressemble à un immense bateau, reflétant dans les eaux graisseuses les mâts vertigineux de ses gratte-ciels. Avec Brooklyn Bridge, passerelle branlante jetée contre son flanc, comme pour un abordage. Ce pont, qui est le doyen de New-York, reste la plus belle voie d'accès à Manhattan. Parce que son sol qui vibre, ébranlé par le flot des voitures grondant sous les planches réservées aux piétons, communique déjà au corps les pulsations de la ville. Mais aussi parce que ce kilomètre d'acier suspendu au-dessus de l'East River offre un premier vertige au voyageur. Du pont on embrasse tout le Financial District, cette proue de Manhattan qui, au fil des décennies, est sujette aux plus folles érections immobilières : Colonnes de verres post-modernes, enceintes de bureaux, et à présent gratte-ciels monumental à la hauteur tentant vainement de coïncider avec l'histoire du pays, comme c'est le cas du nouveau World Trade Center. Sans oublier l'hôtel de ville qui, construit au siècle dernier, tente d'imposer sa loi sur la mégalopole. Perdu dans cet aréopage le Woolworth Building, édifié en 1913 par l'architecte Cass Gilbert, l'un des précurseurs de l'ère des gratte-ciel, dresse ses 241 mètres de somptueuses arabesques néo-gothiques. Tout New-York est déjà là. Dans cette arrogance monumentale, dans cette confusion des genres. Dans cette lumière minérale aussi, qui sculpte la pierre et le verre et donne à ces tours
aériennes des allures de carrières à ciel ouvert. Venue de la mer, comme le vent et les mouettes, la lumière s'engouffre dans les rues de Wall Street. Ces étroits canyons, à l'heure du déjeuner, s'emplissent de milliers d'employés cosmopolites que dégorgent les banques. Devant le Stock Exchange, la Bourse de New-York, sanctuaire du capitalisme aux faux airs de temple antique, une foule de golden-boys se presse vers l'épicerie la plus proche.


Un peu d'histoire

Sur les bancs du vieux cimetière de la chapelle St Paul, quelques cadres reprennent leur souffle en déballant leur sandwich. Construite en 1766, la petite église, écrasée par les buildings, est la plus ancienne de New-York. Et l'un des rares exemples d'architecture géorgienne. Wall Street, qui ne devient un quartier boursier qu'en 1792, est pourtant le cœur historique de New-York. C'est là que les premiers colons hollandais s'installèrent en 1664, la prospère Nouvelle-Amsterdam fut rebaptisé New-York. En 1835 un gigantesque détruisit les derniers vestiges de la ville hollandaise. Et De Witt Clinton, un maire visionnaire, put alors créer la première "grille", sorte de plan cadastral qui divise le centre et le Nord de Manhattan en 1928 blocks rectangulaires. Une façon de favoriser la spéculation immobilière, sur laquelle se fondèrent au XIXe siècle les fortunes des Astor, des Vanderbilt et des Rockfeller. A partir de 1880 ces grandes familles jettent leur dévolu sur la 5e avenue, entre la 40e rue et Central Park, où elles se font construire des manoirs inspirés de la vieille Europe. Depuis ce bout d'avenue plaqué or a conservé le surnom de "Millionaire's Row". Peu de demeures ont survécu à l'éruption des tours. Dans l'entre-deux guerres cette partie de l'Uptown fut le théâtre d'une féroce course vers les cieux.

Depuis trente ans déjà les architectes ont découverts les vertus du béton et de l'ascenseur. Les développements de l'Art-déco en Europe leur donnent des rêves de grandeur. Et, avec la prospérité des années 20, les grandes firmes américaines, pour faire briller leur nom dans le ciel de New-York, financent leurs fantasmes. C'est d'abord le Chrysler Building, hymne raffiné au constructeur automobile, qui en 1930 perce le plafond de la Skyline de ses gargouilles à tête d'aigle et de sa resplendissante flèche en aluminium. Moins haut, le RCA Building parvient à l'égaler par la splendeur de ses sculptures qui jaillissent de sa couronne comme des éclairs hertziens. Un an plus tard, lors de la Grande Dépression, General Motors à Chrysler élevant l'Empire State, écrasante colonne grise qui restera longtemps la plus haute tour du monde. Il faut monter au sommet de l'Empire pour voir cette forêt de tours sombrer dans le crépuscule. Le modeste Flatiron Building a la forme d'une étrave, il sépare la 5e avenue de Broadway. Dans une rhapsodie de fenêtres éclairées on aperçoit au Nord le biseau argenté du Citicorps Center, à l'Est les grues de Brooklyn, à l'Ouest les 28 bâtiments du Rockfeller center, et au-delà de l'Hudson, les fumées du New-Jersey.


Central Park

Central Park

Central Park

Le naturalisme de Central Park, fidèle à la tradition anglaise du paysage romantique, fait son effet. Et pourtant c'est bien d'illusion qu'il s'agit, puisque tout ici est artificiel. Autour des nappes d'eau créées à l'aide des sites marécageux originels s'élèvent de grandes maisons grises, comme des dents mortes, selon la forme de John Dos Passos. Des rayons de soleil transpercent les frondaisons des érables. Sur les rochers qui surplombent la prairie déserte de Sheep Meadow, deux sans-abris réveillés par la rosée s'extraient de leurs sacs de couchage. Les écureuils ont déjà commencé leurs cavales sur les pelouses de strawberry fields, le jardin de la paix offert par Yoko Ono en hommage à son défunt mari John Lennon, assassiné sur le trottoir d'en face, devant l'immeuble Dakota où il vivait. En cette heure matinale, Central Park ressemble à l'Eden.

Quelques silhouettes glissent entre les arbres. D'heure en heure les routes d'asphalte qui ceignent l'immense parc s'emplissent d'un flux de joggers de plus en plus dense. Ils sont bientôt des milliers, corps en sueur poussés à leurs dernières limites que rien ne semblent pouvoir arrêter, à recracher, dans un gigantesque souffle mécanique et collectif, le stress accumulé derrière les tours en verre de la mégalopole. Des milliers à pieds, à vélo, en fauteuil roulant, en roller, ou même à ski de fond à roulettes. Certains, casque de baladeur sur les oreilles, courent en traînant leur bambin dans une poussette de sport. C'est comme si toute la ville fusionnait dans le même élan, comme si le marathon de New-York, qui s'achève à Central Park, se renouvelait sans cesse. Au bout du Mall, la longue promenade ombragée d'ormes, c'est un autre défoulement, une autre transe : une ronde de jeunes en rollers glisse sur le pavé et se déhanche aux rythmes de la techno qui sort des tablettes nouvelles générations.

A quelques yards de là, dans un vallon de verdure et de roche, quelques quadragénaires fouettent le gazon de leurs cannes à pêche comme s'ils espéraient y attraper une truite. "Nous répétons les mouvements de la pêche à la mouche avec une ligne sans hameçon. C'est plus facile qu'en réalité" s'amuse les pratiquants, qui consacrent leurs pauses déjeuner à cette entraînement insolite. Au niveau de la 67e rue, sur la vaste pelouse de Sheep Meadow qui doit son nom aux agneaux qui y paissaient autrefois, les oisifs ont déjà déballé leur pique-nique. C'est ici la prairie du farniente : les sports y sont proscrits. On y vient pour s'allonger et compter les moutons qui flottent dans le ciel de New-York. Avec ses corps à moitié nus étalés au soleil et ses effluves d'herbes, Sheep Meadow a des allures de Woodstock permanent. Un univers aux antipodes des deux carrés de green impeccables de Lawn Sports Center qui surplombe la prairie. Dans ce bastion conservateur où quelques riches d'âge mûr partagent les joies du croquet et de la boule anglaise, la tenue blanche et de rigueur. L'étranger et soigneusement tenu en respect par une clôture sur laquelle on peut lire "Permits holders only".

Central Park est fait ainsi, d'espaces et de gens qui se côtoient, au mieux s'observent mais généralement s'ignorent. Et tout New-York, de Dustin Hoffman au petit épicier de quartier, vient s'y reposer.


Renaissance du parc

Central Park

Central Park

Central Park fut construit entre 1857 et 1873 pour offrir un espace de détente à tous les New-Yorkais et notamment aux milliers d'immigrants qui s'entassaient dans les quartiers insalubres. Les 340 hectares dépassaient alors les limites de la ville. Pour les riches instigateurs du projet cet espace vert artificiel devait rivaliser avec les parcs qu'ils avaient visités à Londres et à Paris. Les deux paysagistes sélectionnés étaient de véritables visionnaires : Rejetant les modèles classiques européens, Frederick Law Olmsted et Calvert Vaux inventèrent un espace de jeu où se mêlent chemins, lac, patinoires et pistes d'équitation. Hormis les roches, tout dans Central Park a été façonné par la main des hommes : Les collines, les étangs, les cours d'eau. Même le Ramble, un sous-bois touffu qui surplombe les paisibles étendus bordées de roseaux du lac, et dont les chemins vallonnés abritent un monde trop parfait pour être naturel. Comme ces bois de Great Hill, tout au Nord du parc, pratiquement déserts, où futaie de hêtres et clairières alternent comme sous le pinceau d'un peintre romantique. Dans les années 70 cette colline était l'un des lieux les plus dangereux de New-York, un repaire de dealers et de déjantés. Du reste, c'était Central Park dans son ensemble qui était devenu un coupe-gorge. Le décor "pelouses râpées-bâtiments couverts de graffitis" renforçait le sentiment d'insécurité des promeneurs. Incapable de faire face aux frais d'entretien, la municipalité laissait le parc se transformer lentement en terrain vague. Aujourd'hui, même si il est toujours peu recommandé de s'y promener la nuit, la tendance s'est inversée. Les zones les plus dangereuses ont été défrichées puis replantées, chassant la population qui s'y nichait. Le paysage a été revu, avec la rénovation des ponts en fer Art déco et les fontaines néo-Renaissance. C'est au Nord, proche de Harlem, que la transformation du parc est la plus spectaculaire. Il contient le Conservatory Garden et présente des jardins à la française, faits de larges anneaux de chrysanthèmes, un jardin à l'italienne et ses haies d'ifs, ainsi qu'un mystérieux jardin anglais. A deux pas de là Harlem Meer, un vaste étang, a été nettoyé et dragué, ses rives replantées. Ses eaux ont été repeuplées et l'on peut louer des cannes à pêche dans un bâtiment à l'aspect d'un manoir normand. Le parc, qui n'en finit pas de renaître, fourmille d'activités. On peut organiser des régates de voiliers miniatures sur le plan d'eau de Conservatory Water, jouer au Base-Ball, se rafraîchir dans la salle des pingouins du zoo lorsque, en août, le thermomètre s'affole, assister à un concert gratuit au Metropolitan Opera, ou bien promener son furet apprivoisé sur les pelouses. Pour être, un instant, l'attraction de cette scène immense et permanente qu'est Central Park.


Le sauvage

Le dimanche, la route principale est fermée à la circulation automobile, et les stressés de l'urgence, qui courent toutes la semaine dans les rues du quartier des finances, troquent le veston-cravates pour la tenue de jogging. Une flottille de boulimique de la vitesse et du régime sur vitaminé déferle sur le macadam de Central Park à roller, à tricycle, en VTT... sans parler des poussettes profilées spéciales course à pied, modèle étudié pour donner le biberon sans s'arrêter, exercice périlleux que tente parfois une jeune femme tout en manipulant une paire d'haltères. Plus lentes, les voitures hippomobile : La promenade est propice aux déclarations de mariage. Ici règnent les individus les plus étranges. "Le sauvage", par exemple, qui organise des visites pour faire découvrir aux enfants des écoles la colonie de castors (dont certains s'égarent sur la 5e avenue...) Il leur montre les plantes comestibles, tout en mimant la vie des insectes. Chez lui, son congélateur est rempli des fruits de sa cueillette. Il prétend se nourrir exclusivement de ce qu'il trouve dans le périmètre du parc. Des fâcheux se sont même indignés qu'il fasse ainsi ses courses dans un lieu public. New-York a bien rigolé quand le sauvage a promis de ne pas manger tout Central Park. Depuis, la ville a décidé de l'ignorer. Central Park accueille près de 100 000 visiteurs par jour.

St John the Divine

St John the Divine

St John the Divine

St John the Divine est la plus grande cathédrale gothique du monde. Néo-gothique, plutôt, puisque sa construction est toujours en cours, bien qu'elle ai démarré en 1892. Depuis plus d'un siècle le diocèse anglican de New-York récolte des dons pour achever cet hymne médiéval. Sur le corps de l'édifice, les trois flèches et des centaines de sculptures sont à inventer. Encore de nos jours les sculpteurs manient burins et marteaux pour ciseler les formes qu'ils jugent aptes à figurer pour l'éternité sur la vieille pierre de la ville.





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