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Premières observations météorologiques de 1889 à 1890


Dès la fin de la construction de la tour Eiffel un laboratoire météorologique fut installé à son sommet, l'intérêt étant grand de savoir si les constatations faites au sol étaient conformes à celles prises à 300m de hauteur. Les résultats furent sans surprise, mais intéressants car ils confirmaient les connaissances de l'époque. La suite de ce texte est repris du livre "La tour de 300m", de Gustave Eiffel, qui reprend lui-même les annales du Bureau central météorologique pour ces données de 1889 et 1890, soit les deux premières années d'observations. Cette annales sera complétées par une autre, plus longue, allant de 1890 à 1894.


Pression atmosphérique

Les observations de pression atmosphérique ont été faites régulièrement au Bureau météorologique à l'altitude de 33,40 m dans une pièce du rez-de-chaussée, et sur la Tour Eiffel, à l'altitude de 312,90 m, dans une des pièces qui sont au-dessus de la troisième plate-forme.

« La différence d'altitude des deux instruments est de 279,50 m, et leur distance horizontale d'environ 480 m. On a employé dans les deux stations des baromètres enregistreurs Richard à mercure, multipliant par 2 les variations de la pression; la marche de ces enregistreurs est contrôlée par les observations directes, faites trois fois par jour au Bureau et quatre ou cinq fois par semaine, quelquefois même plus en été, à la Tour Eiffel, avec deux baromètres à mercure à large cuvette, comparés directement l'un à l'autre. Toutes les observations ont été réduites à zéro et corrigées de l'erreur instrumentale; les hauteurs réduites au niveau de la mer sont, de plus, ramenées à la gravité normale, c'est-à-dire exprimées en colonnes de mercure dont la densité est évaluée au niveau de la mer et à la latitude de 45 degrés. »

Variations diurnes et annuelles de la pression. Nous n'entrerons pas dans le détail de ces variations qui comporte une analyse très délicate sur des chiffres ne différant entre eux que de centièmes de millimètre et qui a été longuement et savamment étudiée dans les mémoires de M. Angot. Nous donnerons seulement ses conclusions.

La variation diurne, par la distribution horaire de ses maxima et de ses minima, est très différente à 300 m de hauteur de ce quelle est près du sol; elle se rapproche beaucoup de ce que l'on observe au sommet des montagnes. Les premiers résultats de 1889 ont été d'ailleurs nettement confirmés par les observations des cinq années suivantes.

Quant à la variation annuelle, la pression moyenne pendant les six mois de 1889 a été, pour le Bureau météorologique, de 760,67 mm, et pour la Tour de 735,58 mm. Ces pressions ramenées au niveau de la mer ont donné pour le Bureau météorologique 763,73 mm et pour la Tour 763,64 mm. Dans les cinq années qui ont suivi, les moyennes des pressions vraies ont été : pour le Bureau, de 759,58 mm, et de 734.15 mm pour la Tour. Les moyennes des pressions réduites sont de : pour le Bureau 762,69 mm, et pour la Tour de 762,57 mm.

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La conclusion est que la pression observée au sommet de la Tour est trop basse par rapport à celle du Bureau, non seulement comme moyenne, mais encore dans tous les mois (voir le tableau ci-dessus). Cette différence ne peut en aucune manière être attribuée aux instruments et correspond à un fait réel. L'explication de cet excès de pression, dans le voisinage immédiat du sol, est, d'après Mr Angot, qu'en raison des grandes vitesses des vents à 300 m par rapport au sol, il existerait dans cette région un matelas d'air retenu par le frottement et qui se trouve comprimé entre le sol et les couches supérieures, animées d'une plus grande vitesse et plus libres dans leurs mouvements.

Variations accidentelles du baromètre. D'une manière générale, les mouvements du baromètre se produisent d'une façon exactement semblable, à l'amplitude près, au sommet de la Tour Eiffel et au Bureau météorologique; les plus petits accidents se retrouvent de la même manière sur les courbes des deux enregistreurs. Les pressions ramenées au même niveau ne diffèrent que de quelques dixièmes de millimètre et d'un millimètre au plus dans les cas extrêmes, tel que le suivant :

« Au mois de novembre 1889, du 7 au 23, une aire de hautes pressions, venue par le golfe de Gascogne, s'est étendue sur la France et l'Europe centrale; elle a disparu vers le sud-est de la Russie le 25, tandis que les basses pressions gagnaient le nord-ouest de l'Europe depuis le 24; une bourrasque très importante (735 mm) avait son centre le 25 au matin au sud-ouest de la Norvège et faisait baisser le baromètre à Paris jusqu'à 752,8 mm. Vers la fin de cette période, le 21, tandis que le vent était nul ou faible du Sud-Est au niveau du sol, il a commencé à souffler au sommet de la Tour Eiffel du Sud-Sud-Ouest à partir de 6 heures du soir, et il s'est produit entre le sommet et la base une inversion de température remarquable qui a duré plus de deux jours, jusqu'au 24 à 7 heures du matin, et sur laquelle nous reviendrons plus tard. Pendant ce temps, la comparaison des pressions observées réellement au sommet de la Tour avec celles que l'on peut calculer par la formule de Laplace, en partant des observations du Bureau, a donné les résultats suivants :

Le 20 et le 21 novembre, la pression vraie de la Tour était un peu plus faible (de —0,1 mm à —0,2 mm) que la pression calculée; la différence s'accentue au moment de l'inversion de température et atteint —0,4 mm en moyenne dans la nuit du 21 au 22. A partir du soir du 22, jusqu'au soir du 23, alors que le baromètre commence à baisser lentement, la pression vraie de la Tour devient plus grande que la pression calculée ; la différence est de + 0,2 mm en moyenne. Le 24, au contraire, à partir de 9 heures du matin, au moment où le baromètre se met à baisser rapidement, la pression vraie de la Tour est beaucoup plus faible que la pression calculée; la différence augmente progressivement et atteint —1 mm en moyenne le 25 entre 1 heure et 6 heures du matin, au moment de la plus grande vitesse de la baisse du baromètre. La différence s'atténue au moment du minimum et change de signe dès que le baromètre remonte; l'écart moyen est de 0,7 mm entre midi et 6 heures du soir, alors que la hausse du baromètre est la plus rapide; il devient seulement -f 0,4 mm à partir de 8 heures du soir. »


Série d'appareils météorologiques

Série d'appareils météorologiques

Cinémographe à mesure instantanée

Cinémographe à mesure instantanée

Barometre Tonnelot

Barometre Tonnelot


Température de l'air

Installation des instruments. Une série d'observations de la température a été faite au Bureau central dans la cour à l'altitude de 31,6 et à 1,60 du sol, dans un abri en fer à double toit, analogue à celui qui est en usage dans toutes les stations françaises.

Plate-forme météorologique de la tour Eiffel au XIXe siècle

Plate-forme météorologique de la tour Eiffel au XIXe siècle

A la Tour Eiffel, les thermomètres sont placés à l'altitude de 335,3 m au-dessus de la mer et à 301,8 m du sol, sous un abri à double toit, accroché, du côté Nord, en dehors de la balustrade de la plate-forme du paratonnerre. L'abri, comme celui de la terrasse du Bureau central, est entièrement ouvert au nord et par-dessous (voir fig. 188 ci-contre. L'abri est en réalité beaucoup plus large qu'il n'a été indiqué sur la figure; il a 1 m de largeur et contient sur une même rangée un psychromètre, le thermomètre enregistreur et les thermomètres à maxima et à minima; sur la rangée inférieure sont l'hygromètre enregistreur el le thermomètre transmetteur; la face nord, ainsi que la face inférieure, sont garnies d'un grillage métallique à mailles très larges). Il est fermé à l'Est, au Sud et à l'Ouest par deux séries de persiennes inclinées en sens inverse et distantes intérieurement de 5 cm environ. Le vent étant beaucoup plus fort à cette hauteur que près du sol, les petites causes d'erreur introduites par l'abri deviennent négligeables, et les observations de température peuvent être considérées comme faites dans d'excellentes conditions. Sous cet abri sont placés un psychromètre. un thermomètre à maxima, un thermomètre à minima, un thermomètre et un hygromètre enregistreurs Richard; on y a ajouté un thermomètre transmetteur électrique, de l'invention de MM. Richard frères, qui donne au Bureau central météorologique la marche continue de la température au sommet de la Tour Eiffel.

« En plus de ces instruments, on a installé à la Tour Eiffel deux autres séries de thermomètres à lecture directe et enregistreurs, l'une à la plate-forme intermédiaire (230,20 m au-dessus de la mer, 196,70 m au-dessus du sol), l'autre à la deuxième plate-forme (156,60 m au-dessus de la mer, et 123,10 m au-dessus du sol).

Variation diurne de la température. Dans le tableau suivant, nous donnons, pour le Bureau central météorologique (cour) et pour la Tour Eiffel, les moyennes horaires de la température dans tous les mois d'observation.

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Il est intéressant de comparer les variations diurnes indiquées par le tableau précédent avec celle du parc Saint-Maur, qui représente la variation normale pour la région de Paris. Nous donnons ici le résultat de cette comparaison. Pour ne pas allonger inutilement, nous aous bornons à reproduire les différences movennes horaires entre le Bureau (cour) et Saint-Maur, pour les six mois de juillet à décembre; enfin, nous donnons pour chaque mois les différences horaires entre Saint-Maur et la Tour Eiffel.

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Les différences horaires entre le Bureau météorologique et Saint-Maur sont positives; la température est donc plus élevée dans l'intérieur de la ville, au Bureau, qu'à la campagne, comme on le savait depuis longtemps; mais il est intéressant d'étudier la marche horaire de ces différences, qui sont loin d'être constantes.

L'excès de température de la ville sur la campagne est relativement faible au milieu du jour (0,4° environ), mais considérable pendant la nuit, où il atteint et dépasse 1,6°. L'influence de la ville, en même temps qu'elle élève la température moyenne, modifie complètement la forme de la variation diurne et en diminue l'amplitude. Ces comparaisons, qui seront continuées, sont intéressantes en ce quelles permettront d'évaluer avec plus de détail qu'on ne l'a fait d'ordinaire la grandeur et la nature des erreurs auxquelles sont sujettes les observations météorologiques faites dans les villes.

Comme les observations de la Tour Eiffel se trouvent, grâce à l'altitude même de la station et à la force du vent qui y règne, soustraites aux influences perturbatrices de la ville, nous les avons comparées non â celles du Bureau météorologique, mais à celles de Saint-Maur qui donnent les valeurs normales correspondant au climat de Paris. La différence d'altitude des thermomètres dans les deux stations est de 285 m, ce qui, en admettant une décroissance moyenne de 1° pour 180 m, devrait donner entre elles une différence normale de température de 1,58°.

Non seulement la température au sommet de la Tour pendant la nuit diffère constamment de celle de Saint-Maur de moins que 1,58°, mais, même pendant cinq mois sur six (décembre 1889 fait seul exception), la température est plus élevée en valeur absolue au sommet de la Tour qu'à Saint-Maur, et il y a inversion de température entre le sol et 300 m de hauteur. Pendant le jour, au contraire, la différence de température est beaucoup plus grande entre les deux stations que la valeur normale 1,58°.

Ces différences s'expliquent aisément par le rôle que joue Le sol dans la variation diurne de la température. L'air, qui a un très faible pouvoir absorbant, s'échauffe peu directement pendant le jour, et de même se refroidit peu pendant la nuit. A une certaine hauteur dans l'air libre, l'amplitude de la variation diurne doit donc être très faible; elle n'est grande dans les couches inférieures que parce que celles-ci s'échauffent et se refroidissent au contact du sol. Pendant les cinq mois de juillet à novembre inclus, l'amplitude de la variation diurne au sommet de la Tour a été moindre que 4,5° en moyenne qu'au Parc Saint-Maur. Sur les montagnes, les mêmes effets se produisent, mais d'une manière proportionnellement moins marquée qu'à la Tour Eiffel, car la masse de la montagne joue encore un certain rôle et produit au sommet une variation diurne beaucoup plus grande que celle que l'on devrait observer normalement â la même hauteur dans l'air libre.

Le phénomène d'inversion des températures avec la hauteur est en quelque sorte normal dans les nuits claires et calmes. C'est seulement quand le froid est amené par un vent d'est de vitesse notable que la température est plus basse pendant la nuit au sommet de la Tour Eiffel que près du sol. Une conséquence intéressante de cette différence dans les variations diurnes est qu'à une certaine hauteur la température moyenne doit être relativement plus élevée que près du sol. Pendant le jour, en effet, les courants ascendants rendent plus rapide la décroissance verticale des températures qui se rapproche de la détente adiabatïque ; pendant la nuit, au contraire, les couches inférieures se refroidissent beaucoup, et, quand l'air est calme, le refroidissement ne se communique pas sensiblement aux couches plus hautes. Ce dernier effet est beaucoup plus grand que l'action inverse pendant le jour, les couches supérieures doivent donc présenter, en moyenne, une température plus élevée que celle que l'on calculerait en partant de la température des couches voisines du sol et en tenant compte de la décroissance normale. Cet excès moyen de température des couches élevées provient ainsi de ce fait que le refroidissement nocturne est relativement moins grand en haut que ne l'est le réchauffement diurne.

Variation annuelle de la température. Nous donnons dans le tableau suivant les moyennes mensuelles de la température obtenues en 1889, au Bureau météorologique (cour), au sommet de la Tour Eiffel et au Parc Saint-Maur. Ces nombres sont les moyennes des vingt-quatre heures.

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L'aliitude des thermomètres à Saint-Maur (50 m) et sur la terrasse du Bureau central (53 m) est sensiblement la même; les nombres sont donc directement comparables. La moyenne du Bureau, dans l'intérieur de Paris, est exactement de 1,13° plus élevée qu'à la campagne; mais la différence est loin d'être constante dans tous les mois.

La durée des observations sur la Tour Eiffel est encore trop courte pour qu'on puisse en déduire des conclusions intéressantes sur la décroissance moyenne de la température avec la hauteur. On voit toutefois que, sauf en juillet, la différence avec Saint-Maur a été constamment plus petite que la valeur qui correspondrait à une décroissance de 1° pour 180 m; cela tient surtout aux inversions très fréquentes de température qui se présentent pendant la nuit et dont l'effet, comme nous l'avons indiqué à propos de la variation diurne, est de donner à une certaine distance du sol une température moyenne relativement plus élevée que dans les couches les plus basses.

Un seul mois, celui de novembre, a donné une température absolue plus haute sur la Tour Eiffel qu'à Saint-Maur; cette anomalie tient uniquement à une période d'inversion remarquable, qui a duré du 21 au 24 novembre, et pendant laquelle la température à 300 m de hauteur a été constamment beaucoup plus haute que près du sol (la différence a même atteint 12,8° le 22, à 5 heures du matin); nous reviendrons plus loin sur cette période. Si l'on retranche de novembre les trois jours compris du 21 à midi au 24 à midi, on trouve, comme température moyenne des vingt-sept jours qui restent, 6,24° à Saint-Maur et 5,97° à la Tour Eiffel, ce qui fait disparaître l'anomalie indiquée.

Variations irrégulières de la température. Les variations irrégulières de la température se produisent sensiblement de la même manière au Bureau météorologique et au Parc Saint-Maur, malgré la distance; mais il n'en est plus de même à la Tour Eiffel. Très fréquemment les courbes des enregistreurs de la Tour et du bureau ne présentent aucune analogie; d'une manière générale, celles de la Tour sont moins régulières : en même temps que l'oscillation diurne diminue d'importance, les perturbations accidentelles sont beaucoup plus marquées, et souvent même il s'en manifeste de considérables, qui restent absolument inaperçues en bas. Les observations de la Tour Eiffel sont particulièrement intéressantes en ce qu'elles montrent que les conditions générales de l'atmosphère à une très faible hauteur peuvent différer entièrement de ce que l'on observe près du sol, où les influences perturbatrices de toutes sortes ralentissent et même suppriment complètement un grand nombre de mouvements.

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Un des exemples les plus remarquables sous ce rapport a été fourni par la période comprise entre le 21 et le 24 novembre. A la Tour Eiffel, la température était comme d'ordinaire plus basse que près du sol le 21 pendant toute la journée; le vent était faible de l'Est-Nord-Est avec une vitesse variable de 2 m à 4 m par seconde, lorsque, à partir de 6 heures du soir, le vent commence à incliner progressivement vers le Sud; il est Sud-Est plein à 7 heures du soir, Sud à 10 heures, et à partir de minuit 10 minutes se fixe à Sud-Sud-Ouest; il oscille ensuite seulement entre Sud et Sud-Ouest jusqu'au 24 avec une vitesse comprise entre 5 m et 10 m, tandis qu'en bas l'air était presque constamment calme ou qu'on ne ressentait qu'un vent très faible d'entre Sud et Sud-Est, dont la plus grande vitesse n'a pas dépassé 2 m. En même temps, la température à la Tour, au lieu de baisser dans la soirée du 21, remonte brusquement à partir de 6 heures du soir et augmente de 7,3° entre 6 heures du soir et 2 heures du matin. Depuis ce moment jusqu'au 24 à 7 heures du matin, où une dépression profonde arrive par le nord des Iles Britanniques et amène au niveau du sol à Paris le régime des vents de Sud-Ouest, la température est restée constamment plus haute sur la Tour Eiffel qu'à la base, comme on le voit sur la figure 189, qui est une réduction exacte des courbes des thermomètres enregistreurs installés au sommet de la Tour Eiffel et à la base (pilier Est). Il y a donc eu à 300 m de hauteur seulement un changement complet de régime qui a mis plus de deux jours à se faire sentir jusqu'au sol. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que rien ne pouvait faire prévoir d'en bas ces conditions; depuis le soir du 21 jusqu'au matin du 24, le ciel a été constamment d'une pureté parfaite.

En raison de l'intérêt que présente cette période, nous donnons ici le détail des observations horaires de la température â la Tour Eiffel et au Parc Saint-Maur pendant la durée de l'inversion, du 21 à 4 heures du soir jusqu'au 24 à 9 heures du matin.

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Ces différences de température sont d'autant plus remarquables que la variation diurne de ta température a été très grande au Parc Saint-Maur le 22 et le 23 à cause de la pureté du ciel; malgré ces conditions défavorables, l'inversion de température a persisté même pendant la journée.


Humidité atmosphérique

Installation des appareils. L'humidité atmosphérique est enregistrée au sommet de la Tour Eiffel, depuis le 10 juillet 1889, au moyen d'un hygromètre à cheveu de MM. Richard frères, installé à côté des thermomètres, il est à 301,80 m au-dessus du niveau du sol et 335,30 m au-dessus du niveau de la mer. Cet instrument est contrôlé par les observations directes effectuées au psychromètre aussi souvent que cela est possible.

Variation diurne de l'humidité relative. Le tableau suivant contient, pour les six derniers mois de l'année 1889, les moyennes horaires de l'humidité relative à la Tour Eiffel; nous ajoutons comme terme de comparaison la valeur correspondante pour le Parc Saint-Maur. Les observations n'ayant commencé à la Tour que dans l'après-midi du 9 juillet, les moyennes de ce mois ne comprennent que 22 jours seulement, du 10 au 31. Enfin les moyennes de décembre ne comprennent également que 22 jours, l'enregistreur avant élé arrêté du 15 au 10 inclus et du 27 à la fin du mois.

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On voit par ces nombres que l'amplitude de la variation diurne de l'humidité relative est, comme celle de la température, beaucoup moindre au sommet de la Tour Eiffel qu'au Parc Saint-Maur. La différence porte presque entièrement sur les nombres de la nuit : tandis que dans les couches voisines du sol l'air se rapproche beaucoup de la saturation pendant la nuit, à 300 m de hauteur, au contraire, l'humidité relative varie beaucoup moins et l'air reste ainsi plus sec. Ce phénomène était facile à prévoir.

Variation annuelle et variations irrégulières de l'humidité relative. Les moyennes mensuelles de l'humidité relative à la Tour Eiffel et à Saint-Maur sont indiquées dans le tableau suivant ; nous ferons remarquer encore que les nombres relatifs aux mois de juillet et de décembre à la Tour Eiffel ne sont pas comparables à ceux de Saint-Maur, parce qu'il n'y a eu, dans chacun de ces deux mois, que vingt-deux jours d'observation.

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Dans tous les mois, l'humidité relative est moindre à la Tour Eiffel qu'au Parc Saint-Maur; cette différence tient uniquement à la nuit, pendant laquelle l'air est toujours en moyenne plus sec à 300 m de hauteur que près du sol, comme nous l'avons indiqué à propos de la variation diurne.

Les variations accidentelles de l'humidité relative sont, comme celles de la température, beaucoup plus grandes et plus rapides à la Tour Eiffel que près du sol, et ces variations ne présentent fréquemment aucune analogie avec celles des couches inférieures de l'atmosphère. Souvent, tandis que l'humidité n'est que de 7c à 80 en bas, l'air est saturé au sommet de la Tour, qui se trouve dans une couche de véritables nuages; inversement, tandis qu'en bas l'air est saturé et qu'on est dans les brouillards, il peut faire très beau et très sec à 300 m.

La période du 21 au 24 novembre, que nous avons déjà signalée à propos de la pression et de la température, a offert aussi des particularités intéressantes pour l'humidité; dans la nuit du 21 au 22, entre 1 heure et 4 heures du matin, alors que la température était de 120 plus élevée sur la Tour Eiffel qu'à Saint-Maur, l'humidité relative variait de 30 à 24 en haut et à Saint-Maur était constamment égale à 100. Pendant le même temps, la tension de la vapeur restait comprise entre 3,7 mm et 3,9 mm à Saint-Maur, et entre 2,2 mm et 2,6 mm à la Tour Eiffel; après 4 heures du matin, au contraire, bien que l'humidité relative à la Tour soit restée beaucoup plus faible qu'à Saint-Maur, la tension de vapeur est devenue plus grande.

Les conditions générales d'humidité, aussi bien que de température, peuvent donc différer extrêmement à 300 m de hauteur de celles qu'on observe près du sol.


Pluie et évaporation

Lorsque Gustave Eiffel fit installer un laboratoire météorologique au sommet de la tour Eiffel il le dota d'un pluviomètre, appareil dont la fonction est de mesurer la quantité de pluie tombant du ciel. Mais il dû se rendre à l'évidence : Même les jours de grands orages, le pluviomètre restait vide ! La raison est donnée ci-dessous, dans le texte qu'il rédigea lui-même pour expliquer ce phénomène curieux.

Nous ne donnerons pas les chiffres des observations recueillis à la Tour parce qu'ils n'ont aucune signification réelle. Le vent y est tellement fort que, dans la plupart des cas, les gouttes de pluie sont animées d'un mouvement horizontal et ne tombent pas dans le pluviomètre. Il est arrivé fréquemment que, pendant des averses importantes, non seulement le pluviomètre n'indiquait rien, mais que le sol de la plate- forme du sommet n'était pas mouillé, et recevait à peine quelques gouttes, tandis que les objets verticaux ruisselaient d'eau. Pour obtenir, dans ces conditions, des nombres qui aient quelque signification, il faudrait changer complètement le mode ordinaire d'observation de la pluie, et la recueillir dans un pluviomètre dont l'entonnoir, au lieu d'être horizontal, pourrait s'incliner et se placer normalement au vent.


Vitesse du vent

Anémomètre initial de la tour Eiffel

Anémomètre initial de la tour Eiffel

Installation des anémomètres. Les anémomètres employés au Bureau central météorologique et à la Tour Eiffel sont identiques; ce sont des anémomètres imaginés par MM. Richard frères; ils se composent (fig. 190, ci-contre) d'un moulinet formé de six ailettes en aluminium, inclinées à 45° et rivées sur des bras très légers en acier : leurs dimensions sont calculées pour que le moulinet fasse exactement le tour pour 1 m de vent; leur marche est, du reste, vérifiée sur un manège, et, s'il y a lieu, on établit pour chaque appareil une table de correction. Comme le moulinet tourne dans un plan vertical et doit toujours se présenter normalement au vent, il est monté à l'extrémité d'une pièce horizontale formant girouette et tournant autour d'un axe vertical, qui est placé très près du plan de rotation des ailettes, afin de diminuer autant que possible la distance que le moulinet doit parcourir pour s'orienter. L'orientation est assurée par une queue rivée à l'autre extrémité de la girouette, et formée de deux plaques de tôle ajustées en angle aigu. Le moulinet complet ne pèse que 150 g; il offre à l'air une surface de 6 décimètres carrés environ, et son axe de rotation se trouve constamment lubrifié par un dispositif spécial placé dans la boite métallique que l'on aperçoit sur la figure, immédiatement derrière le moulinet, et qui contient également les appareils interrupteurs du courant.

« Cet instrument est d'une sensibilité remarquable et peut mesurer des vitesses qui ne dépassent pas 0,1 m à 0,2 m par seconde; il se met instantanément à tourner dès que le vent commence à souffler, et s'arrête aussitôt que le vent cesse, tandis que le moulinet de Robinson, à cause de sa grande masse et de sa faible surface utile, prend un certain temps pour acquérir sa vitesse et, une fois lancé, continue à tourner longtemps après que le vent a cessé.

Les moulinets de ce genre installés au Bureau central et à la Tour Eiffel, transmettent leurs indications sur des cinémographes de MM. Richard frères, qui indiquent à la fois la vitesse du vent à chaque instant en mètres par seconde, et le temps pendant lequel le vent a parcouru une distance de 5 km. Nous reproduisons la figure qui indique la disposition de l'appareil récepteur (fig. 191, ci-contre). Le cylindre enregistreur fait une révolution en un jour, et une heure correspond a une longueur de 15,15 mm; la minute est donc représentée par 0,25 mm environ, quantité encore appréciable. La figure montre sur le cylindre, à la partie inférieure, la courbe qui donne à chaque instant la vitesse du vent en mètres par seconde; à la partie supérieure, on distingue les traits du totalisateur, dont l'intervalle correspond à une distance totale de 5 km parcourue par le vent. En mesurant au planimètre l'aire de la courbe inférieure, on s'assure aisément qu'elle concorde toujours exactement avec les sommes données par le totalisateur.

L'anémomètre de la Tour Eiffel est installé à l'altitude de 338,50 m et à 305 m du sol, au-dessus de la girouette C (fig. 188). Pendant la durée de l'Exposition, l'appareil récepteur était placé dans la vitrine de MM. Richard frères, dans le Palais des Arts libéraux. En novembre 1889, il a été transporté dans la salle des machines de la Tour, à la base du pilier Sud. Les observations ont commencé le 16 juin 1889; il y a eu deux jours d'interruption en novembre (le 10 et le 11) au moment du transport du récepteur de l'Exposition à la salle des machines de la Tour, et six jours en décembre, du 13 au 19, par suite d'un givre épais qui a immobilisé entièrement le moulinet.

Cinémographes de MM. Richard frères

Cinémographes de MM. Richard frères

Au Bureau météorologique, l'anémomètre Richard est installé à l'angle nord-ouest de la tourelle à l'altitude de 54 m, et à 20,90 m du sol. L'appareil récepteur est dans la pièce qui est immédiatement au-dessous de la terrasse. Les enregistreurs de la Tour Eiffel, qui avaient été installés provisoirement en novembre 1889 dans la salle des machines de la Tour, à la base du pilier Sud, ont été transportés en novembre 1890 dans une salle du rez-de-chaussée du Bureau météorologique, qui a été reliée à la Tour Eiffel par un câble à 20 fils.

A l'anémo-cinémographe de MM. Richard frères, employé au sommet de la Tour Eiffel depuis l'origine des observations et dont l'appareil enregistreur est représenté figure 191, on a pu, en octobre 1890, ajouter un autre cinémographe à indications instantanées, duquel M. Eiffel a fait don au Bureau central météorologique. Le dessin en est reproduit figure 193.

Cinémographes à indications instantanées

Cinémographes à indications instantanées

Le câble électrique à 20 fils, qui vient de la Tour par les égouts du Champ de Mars et de la rue de l'Université, aboutit dans une boîte de communications F d'où sortent ensuite les fils qui se rendent, comme le montre la figure, aux divers appareils récepteurs. Ces appareils, qui ont tous été imaginés et construits par MM. Richard frères, sont les suivants :

  • Tout au bout de la table, est le thermomètre. Cet appareil fonctionne par cinquièmes de degré, c'est-à-dire que dès que la température au sommet monte ou baisse d'un cinquième de degré, la plume du récepteur E s'élève ou s'abaisse de la même quantité vis-à-vis d'une feuille de papier enroulée sur un cylindre qui fait un tour entier en une semaine. On trouve donc au bout de la semaine sur ce papier une courbe continue qui donne tous les mouvements de la température pendant ce temps.
  • La girouette, qui, au moyen de trois fils seulement, enregistre les variations de la direction du vent par cent-vingt-huitièmes de circonférence, c'est-à-dire que l'appareil est assez sensible pour donner trente-deux directions intermédiaires entre le nord et l'ouest, par exemple.
  • L'enregistreur de la composante verticale du vent; la plume de cet instrument se déplace de gauche à droite quand le vent est ascendant, de droite à gauche quand le vent descend, et les déplacements sont proportionnels, à chaque instant, à la vitesse du vent dans un sens ou dans l'autre.
  • Enfin deux anémomètres qui indiquent la vitesse horizontale du vent; le premier est actionné par le moulinet de Robinson, qui est en usage dans la plupart des stations météorologiques; le second est actionné par un moulinet spécial, beaucoup plus sensible et plus exact, imaginé par MM. Richard frères.

Ces deux derniers instruments inscrivent la vitesse du vent en mètres par seconde sur un cylindre qui fait sa révolution entière en une journée, et sur lequel il est difficile de distinguer des intervalles de temps plus petits qu'une minute. Comme la vitesse du vent varie avec une extrême rapidité, il y a grand intérêt à pouvoir, lors des tempêtes, obtenir des détails beaucoup plus grands et surtout à mesurer exactement alors les maxima de la vitesse. C'est à cet objet qu'est destiné le cinémographe à indications instantanées de MM. Richard frères, que l'on aperçoit en G à la droite de la figure. Dans cet appareil, la vitesse du vent s'inscrit à chaque instant sur une bande de papier qui se déroule avec une vitesse de 3 cm par minute ; une seconde de temps correspond donc à un demi-millimètre, quantité parfaitement appréciable. Cet appareil, qui débite en vingt-quatre heures une longueur de 43,20 m de papier, serait impossible à employer d'une manière courante; il faudrait dépenser plus d'une journée de travail à relever les indications qu'il fournit pour quelques heures ; il est donc réservé seulement pour les moments intéressants, pour les tempêtes.

Dans ce but, il est muni d'une sorte de verrou qui est commandé électriquement par l'anémomètre ordinaire; tant que ce dernier instrument indique une vitesse du vent inférieure à 20 m par seconde, le verrou est fermé et cet appareil reste au repos ; dès que la vitesse du vent sur l'anémomètre atteint 20 m, le verrou s'ouvre et l'anémomètre entre en action; les deux appareils fonctionnent alors simultanément, le premier donnant les grandes variations de la vitesse du vent et l'autre les plus petits détails, et cela jusqu'au moment où la vitesse du vent retombe au-dessous de 16 m par seconde; vitesse où s'arrête alors de nouveau automatiquement.

Nous donnons ici (fig. 194) deux réductions des courbes obtenues avec ce dernier instrument; dans les courbes originales, la distance qui sépare deux traits verticaux, et qui correspond à une minute, est exactement de 3 cm.

On remarquera particulièrement la courbe obtenue le 24 novembre 1890 entre 7h27min et 7h28min du matin; le vent avait à ce moment une variabilité extrême : en moins de trente secondes, il a passé de 34 m à 18 m; les pressions correspondantes auraient été respectivement de 116 kg et de 32 kg par m2. On voit ainsi à quelles énormes variations de pression un corps est exposé en quelques secondes pendant les tempêtes.

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L'autre courbe qui a été obtenue pendant le coup de vent de la nuit du 20 au 21 janvier 1891, est, au contraire, beaucoup plus régulière.

Parmi les instruments énumérés plus haut, il n'y a pas de baromètre. On a reconnu que les variations de pression, en haut et en bas de la Tour, étaient assez peu différentes pour qu'il n'y eût aucun intérêt à transmettre en bas les fluctuations de la pression au sommet; elles sont enregistrées sur place par un baromètre ordinaire.

Variation diurne de la vitesse du vent. Nous donnons dans le tableau suivant, pour chaque mois, les moyennes horaires de la vitesse du vent en mètres par seconde au Bureau météorologique et à la Tour Eiffel, pour toute la période que comprennent les observations jusqu'à la fin de l'année 1889.

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Dans tous les mois, sans exception, la variation diurne de la vitesse du vent au Bureau météorologique offre les caractères normaux - il y a un minimum le matin vers l'heure du lever du soleil et un maximum vers 1 heure de l'après-midi, et l'amplitude est plus grande en été qu'en hiver.

A la Tour Eiffel, la variation diurne est toute différente : le maximum se présente au milieu de la nuit et le minimum le matin vers 10 heures dans la saison chaude et plus tard encore en hiver. Ces caractères opposés se remarquent aisément sur les figures 195 et 196, qui représentent la variation diurne de la vitesse du vent à la Tour et au Bureau respectivement pendant les trois mois chauds (juin-septembre) et les trois mois froids (octobre-décembre) que comprend la période d'observation. La variation diurne de la vitesse du vent sur la Tour Eiffel est donc ainsi tout à fait analogue à celle que l'on observe au sommet des hautes montagnes.

Cette inversion dans la variation diurne de la vitesse du vent en haut de la Tour et près du sol est encore mise plus nettement en évidence par les courbes ponctuées des figures 195 et 196, qui représentent la variation diurne du rapport des vitesses dans les deux stations. Aussi bien dans les mois chauds que dans les mois froids, ce rapport est maximum vers 5 heures du matin et minimum dans la journée; dans la nuit, la vitesse sur la Tour est de cinq à six fois plus grande qu'au Bureau, tandis que le rapport est seulement de deux à trois au milieu du jour.

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C'est certainement la première fois qu'on constate une variation diurne semblable à une aussi petite hauteur dans l'atmosphère, et c'est un des résultats les plus intéressants que les observations de la Tour aient fourni jusqu'à ce jour. Il en résulte que la variation diurne de la vitesse du vent telle qu'on la constate dans tous les observatoires, à une petite distance du sol, est un phénomène local qui est produit par réchauffement diurne dans les couches les plus basses de l'atmosphère, et qui a déjà disparu complètement dans l'air libre à une distance de 300 m du sol.

Variation annuelle de la vitesse du vent. Nous donnons dans le tableau suivant les valeurs moyennes de la vitesse du vent à la Tour Eiffel et au Bureau météorologique pour tous les mois pendant lesquels les observations ont été poursuivies

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La période d'observations est encore trop courte pour qu'on puisse en déduire quelques conclusions sur la variation annuelle de la vitesse du vent. On remarquera seulement qu'il n'y a aucune analogie entre les vitesses moyennes observées à la Tour et au Bureau météorologique ; dans les six derniers mois de 1889, la plus grande vitesse moyenne à la Tour est celle d'octobre ; ce même mois, au contraire, est celui qui donne la plus petite vitesse moyenne au Bureau météorologique.

Les vitesses moyennes indiquées ci-dessus sont les moyennes des vingt-quatre observations horaires ; elles diffèrent nécessairement un peu de la moyenne vraie qui serait obtenue en prenant le quotient du chemin total parcouru par le vent par le temps. Cette différence provient de ce que, le vent étant souvent très variable, vingt-quatre observations équidistantes ne suffisent pas pour représenter exactement le phénomène ; le vent peut, par exemple, tomber à zéro dans une partie du temps, alors qu'il a une vitesse notable aux époques d'observations.

Le cinémographe Richard donne à la fois la vitesse à chaque instant et le total du chemin parcouru par le vent dans un intervalle quelconque ; il est donc facile d'en déduire la vitesse moyenne vraie de chaque mois. Nous donnons ces valeurs dans le tableau suivant, qui indique, pour chaque mois de 1889, le chemin total parcouru par le vent en kilomètres et la vitesse moyenne vraie correspondante en mètres par seconde. Les observations des deux premiers mois, étant incomplètes pour le total du chemin parcouru, ne figurent pas sur ce tableau.

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Les vitesses moyennes vraies ainsi obtenues sont toutes plus faibles que les moyennes des vingt-quatre observations. La différence moyenne est de 0,12 m, les différences extrêmes étant 0,17 m (septembre) et 0,04 m (décembre).

A la Tour Eiffel, où le vent est beaucoup plus régulier que près du sol, il n'y a pas de différence appréciable entre la moyenne vraie et la moyenne de vingt-quatre heures


Direction du vent

Méthodes d'observation. La direction du vent est enregistrée d'une manière continue au Bureau central au moyen d'une girouette ordinaire à deux ailes, très mobile, placée à l'angle nord-est de la tourelle; l'axe de cette girouette commande directement un cylindre vertical sur lequel est enroulée une feuille de papier; une plume, mue par un mouvement d'horlogerie, descend en vingt-quatre heures suivant une génératrice du cylindre et marque ainsi à chaque instant la direction du vent. La circonférence qui correspond à une rotation complète du vent a sur le papier 157 mm de longueur, et la plume descend exactement d'un centimètre par heure.

A la Tour Eiffel, la girouette est installée en C (fig. 188). Elle se compose de deux roues montées sur un même axe horizontal et dont l'ensemble peut se mouvoir autour d'un axe vertical; quand les roues ne sont pas orientées exactement dans la direction du vent, elles se mettent à tourner, ce qui change en même temps leur orientation. Cette disposition a l'avantage, tout en conservant une grande sensibilité à l'appareil, de diminuer les oscillations brusques que présentent fréquemment les girouettes.

Au moyen d'un système de transmission électrique spécial, à trois fils seulement, imaginé par MM. Richard frères, tous les mouvements de la girouette se reproduisent à distance sur un cylindre vertical identique à celui de la girouette enregistrante du Bureau météorologique, que nous avons décrite plus haut. Les contacts sont établis de façon que la transmission s'effectue par 1/128e de circonférence, c'est-à-dire qu'il suffit que la direction du vent change de 1/128ede circonférence, c'est-à-dire de 2°48"45' pour que le cylindre récepteur placé à une grande distance tourne dans le sens convenable de la même quantité; cet intervalle est tellement petit que la courbe reproduit exactement l'apparence des courbes obtenues par transmission mécanique directe. Pendant la durée de l'Exposition, l'appareil récepteur était placé à côté de ceux des anémomètres, dans la vitrine de MM. Richard frères; du mois de novembre 1889 au mois d'octobre 1890, il a été transporté dans la salle des machines de la Tour Eiffel, à la base du pilier Sud. Enfin, depuis le mois d'octobre 1890, il a été installé définitivement au Bureau météorologique même.

Le dépouillement des courbes obtenues tant au Bureau qu'à la Tour Eiffel a été fait de la même manière, en relevant à chaque heure la direction du vent; cette direction est notée en chiffres de 0 à 32, 0 correspondant à Nord, 2 à N-N-E, 8 à Est, 16 à Sud, 24 à Ouest, et ainsi de suite. La direction du vent est donc appréciée à moins de 1/64ede circonférence, c'est-à-dire environ à 5° près, ce qui a paru suffisant. On a supprimé la direction du vent et noté calme toutes les fois que la vitesse du vent au moment de l'observation était inférieure à 0,5 m au Bureau météorologique et à 1 m à la Tour Eiffel, car en dessous de ces limites on n'est plus sûr que les girouettes obéissent au vent et s'orientent exactement.

Direction du vent au Bureau météorologique et à ta Tour Eiffel. Nous donnons dans le tableau suivant le nombre de fois que le vent a soufflé de chaque direction dans tous les mois, et le nombre des calmes, en ne considérant, pour abréger, que les quatre quadrants Nord, Est, Sud et Ouest, sans tenir compte des intermédiaires qui figurent en détail dans le rapport de M. Angot.

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Ilrésulte de l'examen de ce tableau :

  1. Que le nombre des journées calmes est beaucoup plus grand à la base qu'au sommet de la Tour, 15% et 2%
  2. Que les vents de la région du Nord et de celle du Sud sont beaucoup plus fréquents au sommet qu'à la base

Un tableau analogue, établi pour les cinq années suivantes, indique la même proportion des calmes, mais une prédominance des vents du secteur Ouest par rapport aux autres.

En dehors de la girouette et des anémomètres dont nous venons de résumer les données, on a installé au sommet de la Tour Eiffel, en juillet 1889, un moulinet destiné à l'étude de la composante verticale des vents. Cet instrument, désigné par la lettre B sur la figure 188, se compose de quatre ailettes planes, inclinées à 45° et mobiles autour d'un axe vertical. Par sa construction même, ce moulinet reste immobile dans un courant d'air horizontal, tourne dans un sens quand le vent a une composante verticale ascendante, et dans l'autre sens quand le vent a une composante verticale descendante. Toutefois, l'observation de cet instrument présente de grandes difficultés; il peut tourner même dans un courant parfaitement horizontal, si la vitesse du vent n'est pas rigoureusement la même aux deux extrémités du diamètre du moulinet, et il suffit pour cela du plus petit obstacle. Les premières observations, obtenues en 1889, ont révélé une cause d'erreur de ce genre, due à la présence de la tige centrale qui porte le paratonnerre.


Examen d'ensemble des observations de 1889

M. Angot a résumé, dans un article paru dans "la Nature" du 25 janvier 1890, l'ensemble de ses observations de 1889. Nous le reproduisons ci-dessous, en raison de son intérêt, bien qu'il y ait quelques répétitions par rapport à l'examen détaillé qui vient d'être exposé.

Ce qui frappe tout d'abord dans l'observation du vent, c'est la force tout à fait imprévue qu'il possède déjà à 300 m de hauteur. Les cent une premières journées d'observation qu'on a recueillies entre le milieu de juin et le 1er octobre, dans la belle saison, ont donné une vitesse moyenne de 7,05 m par seconde, ou plus de 25 km à l'heure. Pendant la même période, un instrument identique à celui de la Tour Eiffel, placé sur la tourelle du Bureau central météorologique à 21 m au-dessus du sol, et à une distance horizontale d'environ 500 m de la Tour, indiquait seulement une vitesse moyenne de 2,24 m, c'est-à-dire un peu moins du tiers de ce qu'on observait au sommet de la Tour. On savait bien que la vitesse du vent augmente avec la hauteur, car, près du sol, les mouvements de fuir sont gênés et retardés par le frottement contre toutes les aspérités, collines, maisons, arbres, etc. ; mais on n'admettait pas jusqu'ici une loi de variation aussi rapide. Ce fait a une très grande importance pour les études relatives à la navigation aérienne; il importe, en effet, de savoir pendant combien de temps en moyenne la vitesse du vent reste au-dessous de telle ou telle valeur, contre laquelle peut lutter avantageusement la machine du ballon dirigeable. Or, pendant la période que nous avons étudiée, la vitesse du vent à 300 m a été pendant 39% du temps supérieure à 8 m par seconde, et pendant 21% supérieure à 10 m.

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Les observations anémométriqués de la Tour Eiffel ont mis en évidence un autre fait encore plus imprévu que ta grandeur même de la vitesse du vent : c'est la manière dont cette vitesse varie régulièrement dans le cours de la journée.

Les deux courbes en traits pleins de la figure 197 donnent respectivement pour la Tour Eiffel et le Bureau météorologique la loi de variation diurne de la vitesse du vent. Au Bureau météorologique, comme du reste dans toutes les stations basses, la vitesse est la plus faible vers le lever du soleil (1,6 m à 5 heures du matin) et la plus forte au milieu du jour (3,1 m à 1 heure du soir). A la Tour Eiffel, au contraire, la plus petite vitesse (5,4 m) s'observe entre 9 et 10 heures du matin, et la plus grande se produit au milieu de la nuit (8,8 m à 11 heures du soir). C'est presque exactement ce qui se passe au sommet des montagnes, comme au Puy de Dôme et au Pic du Midi, où la vitesse du vent est maximum pendant la nuit et minimum au milieu du jour, suivant ainsi une marche inverse de celle des régions basses. Cette inversion est encore mise plus nettement en évidence par la courbe pointillée de la figure 197, qui donne pour chaque instant le rapport des vitesses du vent à la Tour Eiffel et au Bureau météorologique. Ce rapport est le plus grand et égal à 5 entre 2 et 4 heures du matin, le plus petit est égal à 2 entre 10 heures du matin et 3 heures du soir ; sa variation diurne présente exactement la forme caractéristique de celle de la vitesse du vent sur les montagnes. C'est certainement la première fois que l'on signale une variation semblable à une hauteur aussi faible dans l'atmosphère.

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Au point de vue de la vitesse du vent, considérée soit dans sa grandeur absolue, soit dans sa variation diurne, la Tour Eiffel se rapproche donc beaucoup plus des stations de montagnes que des stations ordinaires. Il en est de même pour la température. En admettant, comme d'ordinaire, une décroissance de i° pour 180 m d'altitude, le thermomètre devrait être constamment plus bas au sommet de la Tour de 1,6° qu'au niveau du sol, dans la campagne des environs de Paris, à l'Observatoire du Parc Saint-Maur, par exemple. Nous avons pris cette station comme terme de comparaison au lieu d'un point situé dans Paris même, plus près de la Tour, parce que la température de Paris n'existe pas, à proprement parler ; elle est absolument artificielle et peut varier de plusieurs degrés suivant remplacement des instruments, l'état du ciel, la direction du vent, etc.

La figure 198 donne, pour chaque mois, la différence moyenne entre la Tour Eiffel et le Parc Saint-Maur, non seulement pour la température moyenne (ligne du milieu), mais pour la température minima de chaque jour (ligne supérieure) et pour la température maxima (ligne inférieure).

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Dans tous les mois sans exception, au moment du maximum diurne, la température, au sommet de la Tour, est plus basse qu'au pied ; la différence est même beaucoup plus grande que la valeur théorique 1,6° que nous avons indiquée et qui est représentée sur le diagramme par une ligne ponctuée ; les journées sont donc relativement froides au sommet. Par contre, les nuits (minima, ligne supérieure) sont très chaudes : non seulement la différence entre le sommet et la base n'atteint pas 1,6, mais c'est le sommet qui est le plus chaud en valeur absolue. Au sommet de la Tour, les journées sont donc relativement fraîches et les nuits chaudes ; l'amplitude de la variation diurne de la température est beaucoup moindre que près du sol.

La cause principale de ces différences est la faiblesse des pouvoirs absorbant et émissîf de l'air, qui s'échauffe très peu directement pendant le jour et se refroidit aussi très peu pendant la nuit : la variation diurne de la température, à une certaine hauteur dans l'air libre, doit donc être petite; elle devient plus grande dans les couches inférieures de l'atmosphère, auxquelles se communiquent par contact les variations de température considérables que subit le sol. Dans les 200 ou 300 premiers mètres d'air à partir du sol, la décroissance de la température est ainsi très rapide le jour et très lente la nuit, où même il fait normalement plus chaud à une certaine hauteur que près du sol, quand le temps est calme et beau. Ces considérations sont vérifiées de la manière la plus complète par les observations de la Tour; dans les nuits calmes et claires, en particulier, la température y est fréquemment de 5 à 6° plus haute au sommet qu'à la base.

Des différences analogues ont été observées fréquemment dans les observatoires de montagnes ; mais elles y sont beaucoup moins marquées. C'est que, dans ces stations, la masse de la montagne exerce encore une influence considérable, tandis qu'à la Tour Eiffel on est réellement dans l'air libre. C'est ainsi que l'amplitude de la variation diurne de la température à la Tour Eiffel, à 336 m au-dessus du niveau de la mer, est presque égale et même plutôt inférieure à celle que l'on observe au sommet du Puy de Dôme, à 1 470 m.

La marche annuelle de la température au sommet de la Tour (ligne du milieu, fig. 198) paraît, autant qu'on en peut juger d'après cinq mois seulement d'observation, suivre les mêmes lois que la variation diurne; la température moyenne semble plus basse que la normale pendant la saison chaude, et plus élevée, au contraire, pendant la saison froide. En dehors de ces causes régulières, des causes accidentelles peuvent produire des différences de température encore plus remarquables entre le haut et le bas de la Tour Eiffel. Au moment des changements de temps, la modification se manifeste parfois complètement à 300 m de hauteur plusieurs heures et même plusieurs jours avant de se produire près du sol. Le mois de novembre dernier en a fourni un exemple frappant.

Du 10 au 24 novembre a régné, sur nos régions, une période de hautes pressions, avec calme ou vents très faibles venant généralement de Test, et température basse, surtout dans les derniers jours ; c'est seulement dans la journée du 24 que le vent passe sud-sud-ouest et devient fort ; la température remonte, le ciel se couvre et le mauvais temps commence. Or, à la Tour, la température était encore basse le 21 avec vent faible du Sud-Est, lorsque, vers 6 heures du soir, le vent prend brusquement de la force et tourne au sud, puis se fixe au sud-sud-ouest ; en même temps, la température, au lieu de baisser, comme elle aurait dû le faire normalement, remonte de plus de 8° jusque vers 2 heures du matin le 22, comme on le voit sur la figure 199 qui reproduit les courbes des thermomètres enregistreurs installés au sommet de la Tour et à la base (pilier Est). Depuis ce moment, la température est restée haute au sommet, de sorte que, dans tout l'intervalle compris entre le soir du 21 et le matin du 24, il a fait constamment beaucoup plus chaud en haut de la Tour qu'au niveau du sol. Le changement de régime s'est donc manifesté à 300 m de hauteur plus de deux jours avant de se faire sentir dans les régions inférieures. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que rien absolument en bas ne pouvait indiquer ce changement ; depuis le soir du 21 jusqu'au matin du 24, le ciel a été constamment d'une pureté parfaite, sans aucun nuage, et un calme complet régnait en bas, alors qu'en haut de la Tour soufflait un vent chaud du sud-sud-ouest, animé d'une vitesse de 6 à 8 m par seconde.

Les observations de température, aussi bien que celles de la vitesse du vent, montrent ainsi, d'une manière tout à fait imprévue, à quel point les conditions météorologiques à 500 m seulement de hauteur peuvent différer de celles que l'on observe près du sol. Malgré son altitude relativement faible, la station météorologique de la Tour Eiffel est donc des plus intéressantes ; c'est la première qui nous donne réellement des observations faîtes dans l'air libre, en dehors de l'influence du sol, et il est probable qu'elle réserve encore aux météorologistes plus d'une surprise et plus d'un enseignement.



Voir aussi :

Description de la tour Eiffel


La tour Eiffel



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