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Etude du spectre solaire


Mr J. Janssen, membre de l'Institut et directeur de l'Observatoire d'astronomie physique de Meudon, a fait à l'aide des projecteurs de la Tour des expériences que les Comptes rendus de l'Académie des Sciences du 20 mai 1899 relatent. Le texte est repris ci-dessous, il évoque à nouveau l'intérêt des scientifiques pour la tour Eiffel.


Le compte-rendu

M. Eiffel, ayant mis très obligeamment la Tour du Champ de Mars à ma disposition pour les expériences et observations que je voudrais y instituer, j'ai eu la pensée de profiter de la source si puissante de lumière qui vient d'y être installée pour certaines études du spectre tellurique et, en particulier, celle qui se rapporte à l'origine des raies du spectre de l'oxygène dans le spectre solaire.

Nous savons aujourd'hui qu'il existe dans le spectre solaire plusieurs groupes de raies qui sont dues à l'oxygène que contient notre atmosphère ; mais on peut se demander si ces groupes sont dus exclusivement à l'action de notre atmosphère et si l'atmosphère solaire n'y entre pour rien, ou bien si leur origine est double ; en un mot, si elles sont purement telluriques ou telluro-solaires.

Pour résoudre cette question, on peut recourir à un certain nombre de méthodes.

Une des plus sûres est celle de la vibration, dont l'origine remonte à la belle conception de Mr Fizeau et qui a été appliquée par M. Thollon et perfectionnée par Mr Cornu. Elle paraît d'une application assez difficile dans le cas présent.

On peut aussi observer la diminution d'intensité que subissent les groupes à mesure qu'on s'élève dans l'atmosphère et, par des comparaisons aussi soignées que possible, et surtout par la grande pratique des observations, juger si la diminution d'intensité des raies permet de conclure à leur disparition complète aux limites de l'atmosphère. C'est la méthode employée dans la dernière expédition au massif du mont Blanc (Grands-Mulets).

On peut encore procéder par une comparaison d'égalité en installant une puissante lumière à spectre continu à une distance de l'analyseur qui soit telle que l'épaisseur atmosphérique traversée représente l'action de l'atmosphère terrestre sur les rayons solaires aux environs du zénith.

Or cette dernière circonstance s'est très heureusement trouvée réalisée par les situations respectives de la Tour Eiffel et de l'Observatoire de Meudon.

La Tour est à une distance de l'Observatoire d'environ 7 700 m, qui représente à peu près l'épaisseur d'une atmosphère ayant meme poids que l'atmosphère terrestre et une densité uniforme et égale à celle de la couche atmosphérique voisine du sol.

En outre, la puissance considérable de l'appareil lumineux installé actuellement au sommet de la Tour permettait l'emploi de l'instrument qui m'avait servi à Meudon et aux Grands-Mulets pour le soleil. J'ai néanmoins fait usage d'une lentille collectrice devant la fente, afin d'amener le spectre à avoir une intensité tout à fait comparable à celle du spectre solaire dans le même instrument.

Dans ces conditions, le spectre s'est montré d'une vivacité extrême. Le champ spectral s'étendait au delà de A (Les groupes A et B sont dus à l'absorption par l' oxygène de l'air. Le groupe B m'a paru aussi intense qu'avec le soleil méridien d'été. Le groupe A était également fort accusé. On distinguait encore d'autres groupes, et notamment ceux de la vapeur d'eau; leur intensité m'a paru répondre à l'état hygrométrique de la colonne atmosphérique traversée.

Aucune bande de l'oxygène ne s'est montrée dans le spectre visible. Cependant, l'épaisseur de la couche d'oxygène traversée était équivalente à une colonne de plus de 260 m d'oxygène à 6 atmosphères de pression, c'est-à-dire à la pression pour laquelle le tube de notre laboratoire les montre avec une longueur de 60 m seulement, ou quatre fois plus petite. Ceci montre bien que pour l'oxygène les raies obéissent à une toute autre loi que les bandes.

En effet, tandis que pour les raies l'expérience de dimanche dernier nous montre qu'il paraît indifférent d'employer une colonne de gaz à densité constante ou une colonne équivalente en poids, mais à densité variable ; pour les bandes, au contraire, l'absorption ayant lieu suivant le carré de la densité, le calcul montre qu'il faudrait, à la surface du sol, une épaisseur atmosphérique de plus de 50 km pour les produire.

Je ne considère l'expérience de dimanche dernier que comme apportant un fait de plus à un ensemble d'études, fait qui demande à être précisé et développé. Mais il est certain, pour moi, que la hauteur à laquelle la Tour du Champ de Mars permet de placer le foyer lumineux et la puissance de ce foyer nous promettent des expériences de l'ordre de celles qui viennent d'être faites et du plus haut intérêt. »


Note explicative sur la présence d'oxygène dans le Soleil

Depuis l'admirable application de l'analyse spectrale à l'astronomie, on sait que le soleil contient la plupart de nos métaux usuels terrestres, et tout indique qu'il est le grand réservoir où tous les corps qui composent notre système planétaire se trouvent réunis. Cependant on n'y a pas constaté la présence d'un corps d'une immense importance pour la production et l'entretien de la vie à la surface de notre terre, à savoir : l'oxygène.

Mr Draper avait cru pouvoir annoncer la présence de l'oxygène dans le soleil d'après certaines expériences; mais cette conclusion a été reconnue inexacte. Or, les raies de l'oxygène se montrent dans le spectre solaire et elles y forment des groupes importants nommés A, B, α (On sait que ces groupes de raies appartiennent bien au gaz oxygène parce qu'on les obtient en faisant passer un faisceau lumineux à travers suffisament long ne contenant que de l'oxygène pur).

Ces groupes sont-ils uniquement dus à l'action de l'oxygène contenu dans notre atmosphère que les rayons solaires doivent nécessairement traverser, ou bien préexistent-ils déjà dans le spectre solaire qu'on obtiendrait avant l'entrée de la lumière solaire dans l'atmosphère terrestre, et celle-ci ne fait-elle qu'en augmenter l'intensité ?

Telle est la question à résoudre, si on veut pouvoir affirmer que l'oxygène, au moins tel que nous le connaissons dans nos laboratoires et dans l'atmosphère terrestre, existe ou n'existe pas dans l'atmosphère solaire. Or, comme nous ne pouvons porter nos instruments aux limites de l'atmosphère, nous sommes obligés d'employer la méthode qui consiste à montrer que la diminution de l'intensité des groupes oxygénés du spectre solaire est en rapport avec l'épaisseur atmosphérique traversée (comme cela peut-être réalisé par l'emploi d'une haute station, le Mont-Blanc par exemple, ou bien encore en montrant que si on fait traverser à un faisceau lumineux, une épaisseur atmosphérique égale ou équivalente à celle que les rayons solaires traversent à une époque déterminée de l'année, en juin, par exemple, et à midi, les groupes obtenus ainsi artificiellement sont égaux en intensité à ceux du spectre solaire dans les conditions précitées.

C'est précisément cette dernière condition qu'on put réaliser en analysant à l'Observatoire de Meudon un faisceau lumineux produit au sommet de la Tour Eiffel, car la distance entre ces deux points est très approchée de celle qui représente une épaisseur atmosphérique équivalente comme quantité à celle de l'atmosphère terrestre, c'est-à-dire qu'un rayon vertical traversant l'atmosphère terrestre doit y éprouver une absorption équivalente à celle du même rayon allant de la Tour à Meudon, en admettant bien entendu que l'absorption est proportionnelle à la quantité pondérale d'air traversée, ce dont on s'est assuré, d'ailleurs, à l'égard du groupe de lignes A. B, α. Voilà ce qui donne un intérêt tout particulier à l'expérience faite en 1889 entre la Tour et l'observatoire de Meudon, expérience qu'il serait très intéressant de reprendre dans des conditions d'exactitude plus rigoureuses et plus concluantes



Voir aussi :

Applications scientifiques de la tour Eiffel

Tous les phénomènes naturels sur la tour Eiffel


La tour Eiffel



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